MANON LA PIERREUSE
Avez-vous déjà vu la petite pierreuse
Manon qui, du trottoir flattant la saleté,
Vient offrir aux passants sa chemise fangeuse
Comme gage certain de son infirmité ?
Sobre dans l’oripeau que son ouvrage exige,
Beaux lambeaux de splendeur autrefois pleins d'orgueil,
Elle porte son lot, religieux vestige
D'un plaisir attristé comme on porte le deuil.
Elle abrite en son sein des parfums péremptoires
Qu'exhalent jour et nuit de secrets émonctoires,
Tandis qu'on voit briller son front halitueux.
― Subtile excrétion de nos bizarreries !
Oserons-nous jamais goûter, voluptueux,
Au suc acidulé de tes coquetteries ?