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mardi 11 février 2020

Manon la pierreuse (Charles Baudelaire)

"Manon la pierreuse" de Charles Baudelaire (Arabécédesque, Olivier Goldsmith)


MANON  LA  PIERREUSE


Avez-vous déjà vu la petite pierreuse
Manon qui, du trottoir flattant la saleté,
Vient offrir aux passants sa chemise fangeuse
Comme gage certain de son infirmité ?

Sobre dans l’oripeau que son ouvrage exige,
Beaux lambeaux de splendeur autrefois pleins d'orgueil,
Elle porte son lot, religieux vestige
D'un plaisir attristé comme on porte le deuil.

Elle abrite en son sein des parfums péremptoires
Qu'exhalent jour et nuit de secrets émonctoires,
Tandis qu'on voit briller son front halitueux.

― Subtile excrétion de nos bizarreries !
Oserons-nous jamais goûter, voluptueux,
Au suc acidulé de tes coquetteries ?




2 commentaires:

  1. Lorsque Baudelaire fut amené par Banville chez Louis Ulbach, rue de Seine, il lut le poème Manon la pierreuse : le petit cénacle, là réuni, fut interloqué. À rebours des poèmes séraphiques une voix nouvelle, novatrice et sombre se faisait jour...

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  2. "Pierreuse" : terme étrangement froid et minéral appliqué naguère aux filles qui faisaient le trottoir en vraies fleurs de bitume et avaient les rôdeurs pour pendants…" (M. LEIRIS, A cor et à cri)

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