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jeudi 12 mai 2022

ENCRIRE

Griffonner avec surabondance de liquide empreignant.


   Encrire ce n’est pas forcément écrire comme une patate, mais avoir de grosses papattes à dessein de laisser grassement trace. Cela oblige à ralentir le mouvement au risque sinon de rendre ladite trace indescriptible et de laisser traîner l’incomprégnation d’un plein limassivement flou. C’est vouloir prolonger un instant qui n’en finisse plus de sécher pour contempler des mots tout frétillants de sève avant qu’ils ne s’échappent explétivement par le papier. C’est perdre le temps nécessaire à ne rien faire d’autre pour gagner une part incertaine de ce qui nous échappe sans cesse en la mettant en relief.

(Doralisa PYRARGNE, Savoir comment savoir)

jeudi 11 avril 2019

ONIRICOCHER

"Oniricocher", Arabécédesque (Olivier Goldsmith)


Subir un flux rapide d'images mentales sans liens apparents.


   Ce que l'oie oit l'ois-je ? Quand elle court, on voit bien qu'elle vient de l'aile. La plume d'oie ne sait pas marcher, ou alors pour de l’éclopinette. Elle frôle, caresse, rebondit, envisage, amorce les courbes en écrissant et s'envole sitôt qu'elle ralentit. Quoi qu'il en soit, pour ce qu'elle abandonne d'encre chargée de sens, elle oniricoche.
  Mais cette célérité ne suffit pas à dévoiler ce qu'il y avait avant les mots qui ne sont que l'ombre de ce qu'ils signifiaient sur le moment. Avec elle, nous ne faisons que courir après des mots qui s'envolent sitôt entrevus et ne se laissent jamais prendre autrement qu'en apparence. Disperser de l'encre sur du papier avec une telle plume à la légèreté inconcevable, c'est donner au langage cet aspect imprévisible porté par le seul phrasé à fleur du subodoré, au point de réaliser que ce qui nous échappe devient cela même que nous sommes. Manquer d'écrire comme on l'aurait souhaité, c'est précisément se retrouver soi par la volonté de le dire sans y parvenir. Écrire n'est ainsi que ce vieux rêve de voler qui nous hante dans les deux sens du terme qui, pour le coup, se rejoignent enfin.

(Doralisa PYRARGNE, Savoir comment savoir)

dimanche 21 octobre 2018

HÉSITENSION

Indétermination fébrile et laborieuse. Concentration paralysante de l’esprit.


   Le style, c’est toujours mieux de ne pas s’en occuper et de se laisser embarquer sans chercher à dire autrement, autrement mieux, ce qui prendra forme peu à peu par accrétion de tout ce qu’il y a eu jusque là. C’est ça le style. Celui qu’on ne choisit pas, le nôtre, qu’on ne voulait pas forcément. Écrire c’est ainsi que ça se passe sinon c’est autre chose, une habile posture pour faire savoir par ce biais, mais ce n’est plus nous. C’est juste notre savoir-faire qui fait illusion et, un jour ou l’autre, on finit par en être désastreusement désœuvré.
   Sur l’instant d’écrire on ne voit rien de ce que ça peut être. On ne vaut rien. On croit ça. Mais le doute, tout ce qui fait achopper, sert paradoxalement à progresser. Je crois qu’on n’avance pas sans ça quant à ce que nous sommes. On n’accepte pas d’être aveugle quand on a des yeux pour voir, de tituber sans boire, toutes ces hésitensions qui donnent l’impression de perdre un temps précieux comme si on en saignait. C’est comme de ne rien faire. Même quand on ne fait rien on travaille. On travaille sans nous. C’est parce qu’on est travaillé quoiqu’il en soit. Il n’y a jamais de repos. Il y a toujours quelque chose qui se fait. Ou se défait, c’est pareil. Écrire de ne pas écrire. Ne pas parvenir à écrire et écrire quand même, jusqu’à ne plus écrire pour espérer écrire un jour…
   Avoir du style, c’est être dépassé par soi et souffrir infiniment de croire qu’on ne puisse jamais l’atteindre. 

(Doralisa PYRARGNE, Savoir comment savoir)

lundi 25 juin 2018

SCRULPTER

Sonder l'impénétrable pour lui donner forme tangible.


   Écrire dans le creux des autres, s'incruster dans la parole qui a déjà eu lieu pour se contraindre à naître de soi, comme on lirait entre les lignes pour accoucher d'un vide à remplir après coup : ainsi, la scansion machinale de l’alexandrin s’impose pour occuponctuer cette vacance.
   Cette place qui m'est donnée de prendre, que je n'ai pas choisie. Je ne peux pas me choisir. J'ai beau me fouiller, rien n'y fait puisque se sentir c'est continuer de se subir en continuant de mentir, pour la forme : on a beau dire, s’ébaudir ou maudire, ça bafouille, ça cafouille. Quoiqu’on fasse, on ne se scrulpte jamais que de se subir. Subir d'écrire, c'est se réveiller – être réveillé –, être confronté à ce qui nous entourloupe depuis l'origine, qui nous fascine et nous façonne de toute absence de réponse avec quoi nous bâtissons sans complément d'objet. Écrire, forcément pour rien. Seulement pour.

(Doralisa PYRARGNE, Savoir comment savoir)

mardi 30 mai 2017

INSÉCURIOSITÉ

Soif de découverte contrariant tout assouvissement intellectuel.


   Écrire doit être ce qui vient mettre en péril ce que nous poursuivons malgré nous d'idéal de bien-être qui achève de nous museler, et non pas “muscler” comme une coquille persistante tendrait à le souligner.
   Écrire, c'est le mouvement de l’insécuriosité nécessaire. C'est ça. Parti pris d’une angoisse perpétuelle, courage pris à une main du geste de la seule parole dans l'imperceptible brouhaha, grand désœuvrage organisé pour un terme indéfini, rodéo à cru de phrases éreintantes pour qui veut percer le fond par la forme, mais pour qui la pertinence de la forme a cessé de suffire.

(Doralisa PYRARGNE, Savoir comment savoir)