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jeudi 15 décembre 2022

TOUPÉTER

Buste  de Molière à Chambord, avec lunettes

Se conduire avec un sans-gêne, une grossièreté inqualifiable.


                        ÉTAMÈRE
Quoy ! qu'un pareil fripon vienne icy toupeter,
Avec sur le visage un air à souffleter…

                        ORGERON
Et s’il me plaist à moy que ceans je l’accueille ?
Car enfin je me dois d'héberger ce Morlœille.

                        ÉTAMÈRE
Vautré dans vos fauteuils, crachant sur les tapis,
Bientost il se prendra pour un petit marquis,
Demandant sans vergogne & l'azile & la table.

                        ORGERON
Et moy, ce que je veux, c'est de rester aimable
Avec qui pourroit bien servir un interest
Qu'il convient de garder dans le plus grand secret.

                        ÉTAMÈRE
Ma foy, tant de mystere à de quoy me surprendre !

                        ORGERON
Vous en sçaurez tantost le Party qu'il faut prendre,
Et qu'aimer son Prochain est toûjours un bienfait.

                        ÉTAMÈRE
A vostre air entendu j'en constate l'effet !
Mais ne me meslez point à vos sales Histoires
Où le plaisir confine à des vices notoires.

(Jean-Pierre MORLŒILLELa mare au lit)

mardi 24 décembre 2019

FARD'EAU

FARD'EAU, Arabécédesque (Olivier Goldsmith) [Molière, Tartuffe]


Vase de nuit, lourd récipient rempli d'un liquide douteux.



PERONELLE
Ciel ! vous-mesme portant les deux pots de Pamufle…
Il traîne encore au lit à cette heure, ce muffle ?

AMAROLINE
Allez, Péro ! Plûtost, delivre-moy du poids
De ces pesans fard'eau qui me brisent les doigts,
Et pour qui je conçoy tant d’horrible amertume !


PERONELLE
Ouais ! voila bien, Madame, une étrange coûtume !
Je vous laisse le soin d'un si bel hypocry,
Car à de tels plaisirs il faut estre aguerry.
Pareils amusemens vont aux ames morbides
Qui n’ont pour goust pervers que ces panchans humides.
Ma « Libid’eau », Madame, est plus sobre en cela
Pour m'en sortir assez sans tout ce brouhaha,
Ni ce bel agrement que vous tirez à feindre
Une pareille horreur si preste à vous étreindre.


(Jean-Pierre MORLŒILLE, La mare au lit)

jeudi 31 mai 2018

COURROUSSIR

Se consumer de rage.


MALCESTE
Tout m'excede à l'envy, fait boüillonner mon Sang.
J'ay la teste qui brûle & suis courroussissant
Comme un autocuiseur laissé par Avanture
Sur un feu dévorant qui dure & qui torture !

CELIMARE
Qu'avez-vous ?

MALCESTE
                                 Suis-je donc d'aussi peu de valeur
Que vous me préferiez un si piétre enjoleur
Qui, pour comble d'horreur, habite juste en face ?

CELIMARE
Croyez-vous donc toûjours qu'on prenne vostre place ?
D'une flame sans feu vous faites bien trop cas
Pour courroussir à poinct avec tant de Fracas.

(Jean-Pierre MORLŒILLE, L'amy de trop)

mardi 16 mai 2017

RAVIRE

Provoquer l'hilarité d'une personne en dépit d'elle-même.


CLITASTE
Ah ! j'en ay dit assez pour vous plaire en ces lieux !
Si le respect m'inspire, autant il m'enmuselle…
Mais vous riez, Monsieur, des effets de mon zele.
En voguant jusqu'à vous afin de vous servir,
Me rens-je ridicule à vouloir vous ravir ?
Je n'avois point pourtant dessein de vous ravire.

MALCESTE
Vous vous repépétez, Monsieur le beau navire
Qu'une eau calme chavire aprés tant d'ouragans.
Mais je n'useray pas d'effets extravagans :
L'eau de mon bain suffit à vous-mesme à vous rendre
Car je nage fort mal dans cette mer de Tendre
Pour espérer, Monsieur, vous ravire à mon tour
En m'en purgeant la teste avec autant d'humour.

(Jean-Pierre MORLŒILLE, L'amy de trop)