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jeudi 18 octobre 2018

INHIBITURE

Ivresse anesthésiante, pour oublier.


   C'est le soir parfois que ça arrive, de se voir être seul dans une pièce, une chambre, une cuisine. D'avoir peur de ça et de rien d’autre. D'être soi comme ça, sans rien d'autre que soi. Cet accès, cet excès de lucidité qui s’empare de vous avec cette même violence toujours, règne sur vous comme un ciel sans nuage, dévasté. Alors, même si on écrit, même si on a écrit — et qu'on sache que ça restera ce qu'on a jeté là sur le papier — on a recours à cette « inhibiture », comme je l'appelle. C'est comme un tunnel soyeux à traverser jusqu'à ce qu'on retrouve le jour de l'autre côté pour se débarrasser de cette panique de la veille. De cette violence-là qui a toujours le dernier mot quelque soit la victoire sur le papier. C'est terrible, je sais, ce que je dis, mais je crois que ça concerne pas mal d'entre nous. Il y a cette nécessité-là de reprendre son souffle dès que l'oppression nous submerge avec la violence d'un océan. Alors on ne peut plus s'arrêter de boire sinon la peur c'est encore pire. Bien sûr, ce n'est pas si grave d'avoir peur. Ce n'est pas toujours cette horreur d’être là, insupportable. Il est tellement naturel d'avoir peur. Mais pas comme ça.

(Dodeline DURAXE, Je ne sais pas si demain...)

dimanche 4 juin 2017

EXÎLE

Lieu retiré d’accès difficile où l’on est contraint de séjourner avec un fort sentiment d’abandon.


   On emmène toujours tout avec soi. On écrit partout. Il n’y a pas de lieu pour ça que ceux où l’on pense aller pour écrire sans qu’il soit nécessaire d’y être jamais. D'ailleurs écrire c'est toujours ailleurs sans y être, quand bien même on y soit : c'est toujours devant soi.
   Où qu'on aille, il n'y a jamais d'autre endroit que soi en devenir. Tout paysage environnant n'est jamais que ce que nous voulons en voir. Cela ne change rien à ce que nous sommes. En écrivant on croit toujours que le monde nous influence alors que c'est nous qui transformons le monde. Il n'y a pas d'autres raisons d'écrire que celle-là. Peut-être le fait de l'ignorer est-il profitable ? je ne sais pas.
   On n'est jamais bien quand on écrit. Il n'y a pas de tranquillité possible, mais cette fébrilité permanente de qui chemine vers un horizon de tranquillité. D'écrire, on est dérangé.
   Écrire dans le fantasme d’écrire, une écriture d’exîle dans la perspective d’un retour improbable à cette tranquillité originelle, toujours. Une solitude révélatrice qui mènerait nécessairement à la plénitude jusqu’à la fin d’être seul, jusqu’au bout d’être soi.

(Dodeline DURAXE, Je ne sais pas si demain...)