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dimanche 31 octobre 2021

VATROUILLE

Crainte permanente de s'établir ; incapacité majeure à se fixer.


  Libres comme l'air, nous pensions pourtant qu'il n'y avait plus rien à trouver. Dans notre vatrouille, nous voulions ignorer cette désolation de nos vies chassant sur un monde renié. Seul ce que nous rêvions motivait nos agîtations. Impossible Mexit. Nous cherchions des limites, mais il n'y avait pas d'autres limites que nous-mêmes et c'est cela qui nous liait. Nous n'avions plus le pouvoir de nous arrêter. Nous le savions et parfois, sans nous l'avouer, comme si un troupeau d'anges passait près de nous, cette pensée secrètement nous terrifiait à nous tordre l'estomac tandis que nous continuions de pencher en avant.

(Carlos PEROUEC, Califrisco)

samedi 3 juillet 2021

Damnation (Charles Baudelaire)

"Damnation" BRIBES (Charles Baudelaire) Arabécédesque, Olivier Goldsmith

    Les deux quatrains du sonnet inachevé Damnation (Bribes) que nous connaissons tous, composés sans doute en regard de La reine de Saba (Flaubert, Tentation de Saint Antoine, L’Artiste du 21 décembre 1856, p. 21). Reine qui, semble-t-il, n’a pas non plus laissé indifférent Théophile Gautier comme on peut le lire dans Emaux et camées : « sa bouche arquée a des moues à mettre un saint au désespoir »). 
    Ce sonnet faisait partie de l’un des projets (avortés) de poèmes à faire pour la seconde édition des Fleurs
    v. 3,  « Dompteur féroce et doux » sonne comme une réminiscence des Chats.
    En l'absence des tercets, rien ne permet de penser comme Jacques Crépet (Juvenilia I, p.371) que cette pièce inachevée ait été composée en l’honneur de Jeanne.
    La mise au net pourrait dater de fin 1858<1859 (Honfleur ?). 


DAMNATION


Grand ange qui portez sur votre fier visage 
La noirceur de l'Enfer d'où vous êtes monté ; 
Dompteur féroce et doux qui m'avez mis en cage 
Pour servir de spectacle à votre cruauté ; 
 
Cauchemar de mes nuits, Sirène sans corsage 
Qui me tirez toujours debout à mon côté, 
Par ma robe de saint ou ma barbe de sage, 
Pour m'offrir le poison d'un amour effronté ; 
 
Vous par qui je deviens ce que je ne veux être 
Et me connaissez mieux que je puis me connaître, 
Qui dois-je fuir en vous, ou de vous ou de moi ? 
 
— Allons ! puisque après tout ce feu qui me taraude 
Me donne à résister pour éprouver ma foi 
Tout en satisfaisant le cher ange qui rôde !

 



dimanche 13 juin 2021

ASPIRÂLE

Raucité anhéleuse ascendante.


À quoi bon suffoquer pour si peu de plaisir ?
Crois-tu donc qu’exhalant autant de verve orale
Je vacille à mon tour ? Ô fatale aspirâle
Essoufflant tout vertige où roule un vieux désir !

Charles Baudelaire barbu avec cheveux longs (Olivier Goldsmith)

vendredi 28 mai 2021

BÉALTITUDE

Quiétude ostensible et superbe de l'âme.


Agitant les deux bras de ma béaltitude,
J'incline à volupter, le front plein de dédain
Pour les choses d'en bas, et, parfois baladin
Du cloaque, à bénir l'immonde multitude.


Charles Baudelaire souriant avec cheveux longs

jeudi 20 mai 2021

CHAMBOULEVARD

Suede 1967 "chamboulevard"

Voie publique troublée par une augmentation soudaine et chaotique de l'activité.


Les foules ne sont pas ce qu'on croit qu'elles sont,
Monstres hurlants pareils à des fêtes foraines.
Sur ce chamboulevard plein de choses humaines,
Ce ne sont que des cœurs battant à l'unisson.

samedi 15 mai 2021

DIVOGUER

 

Océan, grain en approche (Arabécédesque)

Naviguer au hasard, barrer machinalement sans se soucier du cap.


Comme on erre indécis pour aller nulle part,
Je divogue aveuglé par les yeux du hazard
Qui fixerait les flots où ma courbe s'écoule…
Ainsi je m’abandonne au chaos de la houle,
Pauvre hère indécis qui ne va nulle part.

jeudi 6 mai 2021

EMBRASSERRÉ

Maintenu dans une étreinte constante.


Pétris de nos amours désespérés
Nous aurons le poli des objets rares,
Et des mots inconnus, doux et barbares,
Rassureront nos cœurs embrasserrés.

EMBRASSERRÉ (#bicentennaireBaudelaire)

vendredi 30 avril 2021

FÉBRILLER

Pétiller d'ardeur. Avoir les yeux étincelants d'excitation.


J'imaginerai dans la nuit
Fébriller tes noires prunelles
Dévorant, âpres sentinelles,
Mon cœur longuement et sans bruit.

Fébriller (Arabécédesque) #Baudelaire2021

dimanche 25 avril 2021

GRANDIOSER

Se lancer résolument dans une entreprise ambitieuse et périlleuse.


  Nous avons toujours tendance à trop en faire et nous nous emballons à déballer notre affaire, à satisfaire d'emblée ce feu qui nous taraude, puis nous voilà saisi d'effroi devant tant de choses étalées qui nous charment comme elles nous épouvantent de nous charmer. Nous gloussons sous cape en nous relisant, puis on se refrène à l’idée d'avoir passé les bornes sitôt qu’on relève les yeux sur le monde.
  On ose, et puis on n'ose plus. On veut en montrer, puis on craint aussitôt de le faire. Un feu nous dévore mais l'incendie reste circonscrit de peur du bûcher. Et pourtant il nous [tarde]* darde tant, nous qui brûlons sans cesse de grandioser (comme vous dîtes si bien !) sous le soleil aveugle de l’imbécillité.

* Biffé.

Arabécédesque (grandioser)

lundi 19 avril 2021

HALITUANT

HALITUANT "Arabécédesque" (Olivier Goldsmith) Baudelaire

D'une moiteur étouffante, en parlant de climat.


Je vis dans son œil trouble aux lueurs engourdies,
Dans son œil ensuqué, son œil lourd et chargé,
L’halituant ennui des longues maladies
Plombant son cœur transi d’un amour affligé.

mercredi 14 avril 2021

IMMONDOYANT

Fangeux en dépit d'un aspect attrayant.


Le soleil sévissait sur l’eau verte et profonde,
Comme si tout le ciel sur l’enfer chatoyant
Y voulût arrêter la splendeur vagabonde
       Du cours immondoyant.

mercredi 7 avril 2021

LUSURDITÉ

Sentiment d'acuité introspective déréalisante.

 
Nausée, instants figés quand la lusurdité
M’enivrille à vrombir comme une feuille morte
D’un savoir violent où, dans sa crudité,
Je me conçois, je me transpire et je m’avorte :
Nausée, instant figé de ma lusurdité !

(Rémi CHAUWDLER, Méconnaiscience ou Les ficelles du paradis)