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lundi 12 juin 2017

Charles Baudelaire-Aupick, Ventripotentat


Charles Baudelaire-Aupick, "Ventripotentat" https://arabecedesque.blogspot.com


   1861, derniers jours de novembre : se composer à tout prix une tête d’académicien. L’été de cette année désespérante de quarantaine (dans les deux sens du terme, la reconnaissance des « jeunes gens » – horripilante – n’étant pas celle des pairs et des pères) semble avoir apporté son regain de vigueur. Puissamment portée par les accents wagnériens toujours vibrants, la fièvre verte s’est imposée comme planche de salut. Fini les cheveux longs bouclés, rejetés en arrière, et jouer les grands extravagants à l’introversion extravertie : toute fantaisie doit être proscrite qui nuirait au Prestige de la consécration.

   Charles BAUDELAIRE-AUPICK,

de l’Académie Française

(lire cela en clignant de l’œil.)


   Emprunter entre autres attributs de réussite sociale celui de la stature du ventripotentat pour gagner enfin Reconnaissance et Honorabilité. Peser dans le regard des autres ; ma mère à mon bras, aller vérifier à Honfleur les démonstrations de souplesse dorsale (Emon, Cardine… toiser d’un mépris bienveillant les « gens de bien » dans l’assurance qu’ils ne s’en formaliseront pas: quelle jouissance !) car, bien entendu, compte tenu de ma nouvelle position, le rêve honfleurais est devenu réalité et monsieur « Fait-rien-bien » s’est évanoui comme par enchantement. Dévouement admirâble affiché envers cette pauvre Jeanne, et intérêt subitement porté de la Daubrun à mon endroit – la pauvre, désormais sur la pente descendante, s’est fendue d’un mot embarrassé de félicitation, elle qui ne m’a jamais consacré pas même une virgule –, à laquelle je ne répondrai que par politesse d’usage sachant son f… caractère, et surtout parce que ma nouvelle situation m’ouvre des perspectives autrement florissantes… Et puis, qui sait, dans le confort d’une vie désormais facile, couronnée par la fierté d’une mère – et sans aucun doute la reconnaissance posthume d’un beau-père en tout point supplanté mais nullement rancunier –, écrire pièces de théâtre à succès et romans à la toxicité subtilement dulcifiée dont les qualités intrinsèques, directement proportionnelles à la notoriété de leur auteur, font que les éditeurs s’enquièrent aimablement de votre santé...
   Bonheur : cette forme opaque d’insensibilité pour y songer sans cesse tant vivre fait mal. Abdication pour abdication, académission institueuse plutôt que suicide bruxellois… Ultime tragédie de la dérision ?

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Le "ventripotentat" selon Victor Hugo

(dessin à la plume, 1836<1841)


"ventripotentat" Charles-Guillaume Étienne par V. Hugo https://arabecedesque.blogspot.com

Charles-Guillaume Étienne par V. Hugo (coll. part.)




    Caricature représentant Charles-Guillaume Étienne (par ailleurs daumiérisé). Le succès de sa comédie Les deux gendres en 1811 lui ouvrit les portes de l’Académie. Accusé de plagiat il fut radié en 1816 puis réélu en 1829. Fermement opposé à Victor Hugo, il fit partie de ces vieilles bêtes déterminées que le seul mot de Romantisme incommodait au plus haut point.

   "Naturellement académicien avant que de naître" (Salon 1846), Hugo est f(in)atalement élu en 1841.
   "Tu seras de l’Académie !" (opus suscité, même page)
   Ainsi, comme Hugo, il faut "se résigner à être refusé deux ou trois fois" (25 07 1861)… Une voix, – une seule –, et la voie est ouverte pour qui sait persévérer.
Le fait est, après s’être cassé le nez en décembre, Baudelaire n’en démord pas: "JE SAIS maintenant que je serai nommé, mais quand ? JE NE LE SAIS PAS" (10 02 1862 ).
   Nécessité vitale serinée sur un air de plaisanterie (selon ses propres termes : "étrange fantaisie, coup de tête, lourde folie").

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