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mardi 13 mars 2018

Déserts (Arthur Rimbaud)

déserts" arthur rimbaud arabecdesque.blogspot.com



DÉSERTS


   Ô fantômes ! Esclave de mes lourdises, qu'on me jette aux orties ! Et le sang du monde refluera vers ma tête à battre la charge. Ah ! que mon désert s'en ressente ! — Désertion ! Ogresse affamée aux lueurs de l'auberge, l'épuisement guette sa proie et j'irai m'affaler sans le sou.
   Avant, fog immense des cités qui m'octroyait l'ombre apprise des rêves, et les regards de terreur que la nuit énervait pour me confondre. Opprobres souverains ! Aux bauges tourbillonnaires où tu te prélassais, frère d'infortune, je n'irai plus car l’exil se nourrissait de ta sève.
   Or bientôt l’aube fut pointe, yeux portés aux larmes sans faconde qu'une ivresse muette. — Et, dans la pâleur du ciel transi, dans mon habit d'acier emprunté aux pôles, je guettai un soleil farouche pour le nourrir de mes dégoûts.


HIATUS

   Soleil, j’ai embrasé l’aube d’été. Alors
   J’ai levé un à un les voiles de l’eau morte
   Et marché bras ouverts de mon immense corps
   Jusqu’au midi, jusqu’à ce que la Nuit m’emporte.


   Sang parcouru d'antiques fleurettes, vieilles hantises… Oh ! Léthé parfumé des profondeurs vertueuses, j'embrasse ton courant ! Plus tard seulement, — comme dans une fête, — le sel mordant de la peur se changera en rosée loin des ricanements sales au fracas rhythmique des sabots, — et, dès lors, aux heures vaporeuses des ornières, loin des pas de la foule qui déchiraient les fausses Nuits d'été.


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