Rechercher dans ce blog

vendredi 23 février 2018

DÉVIERRER

DÉVIERRER Voilier (https://arabecedesque.blogspot.com)


S’écarter toujours plus du droit chemin, du cap à maintenir.


En se créant un but qu’on n’imagine pas,
Sans savoir on fait sens à l’ininterprétable
Pour mieux, dévierrant, réinventer l’instable,
L’absurde surdité du vent et du compas.

(Simon DIEUTZ, Avant Dieu)

mercredi 21 février 2018

EMPÉTRI

Fortement influencé par un environnement absorbant.


J'étais au fond du trou, la mer me distrayant
De pays inventés d'un houlement de hanches ;
Et je m'aventurais, halicte bégayant,
Dans des profondeurs d'eau ceintes de pertes blanches.

Bourlinguiste empétri d'origines sans fin,
Criblé par le silence où finit tout voyage,
J'éprouvais mot à mot, ivre crêve-la-faim,
Un sol vague et noyé comme ultime mouillage.

Empétri, Arthur RIMBAUD "Arabécédesque, Olivier Goldsmith"

dimanche 18 février 2018

FURIBLONDE

Bière forte de faible qualité dont la consommation entraîne une dégradation de l’humeur et du comportement.


   Un petit régime sportif au pinard me fera grand bien tant cette furiblonde m'a démoli le cerveau ces derniers temps. Il faut que je reparte sur des bases saines, ne plus sentir ce roulis infernal dès que je tangue de travers, ou le crois-je. Ce qu'on peut croire d'ailleurs importe peu tant qu'on sait encore ce qu'on a dans le verre. Une route à suivre qu'il faut s'imposer : marcher droit pour mieux tanguer à sa guise et ne plus essuyer ces brusques coups de vent quand la météo intérieure se dégrade par temps difficiles. Ainsi un bon marin marine mieux dans un jusant de raisin en raison d'un cap à suivre sciemment pour éviter de subir ces spumonstruosités qui font déborder la tête au-delà de l'entendement.
   Et là, me répéter chaque fois que ça cogne méchamment, et qui fait flotter sans même capeler brassière : « C'est plus facile de mourir que de vivre ». Alors l'écume prend moins cette importance impétueuse qu'elle a toujours quand elle révèle l'énormité de l'océan pressenti sans fond de ce verre devenu depuis lors tempétueux.

(Icare NÉPHÉLIOBATE, J'irai revoir ma Sudmandie)

mercredi 14 février 2018

GRONDOIEMENT

Tumulte torrentueux.


Impossible la nuit de trouver le sommeil
Tant le grondoiement sourd de vivre me submerge ;
Tant l'heure au ralenti dans le corps est pareil
À la force des flots qui dévorent la berge.

(Théophobe ÉDELVIO, Ellergies)

lundi 12 février 2018

HEIMATELOT*

HEIMATELOT (Ran ORTNER : Oil on canvas) https://arabecedesque.blogspot.com

Ran ORTNER : Oil on canvas.



Marin parcourant inlassablement les mers dans l'incapacité de se fixer sur terre.


   Toujours avoir l'air de savoir où l'on va sans savoir où l'on va. Quête sans fin de l'impossible terre qu'on se promet d'atteindre, nous, nuages informes traversant les mers dans la mobilité de leurs immuables métamorphoses.
   L'incertitude est motrice, crée ce mouvement qui paradoxalement nous détermine. Cette nécessité d'aller de l'avant parce que rester c'est la fossilisation. Ce besoin de la mer à embrasser dans le fantasme d'une terre probable. Mer, parce que c'est là sans y être. Il n'y a pas d'endroits précis. C'est partout l'endroit, toujours. C'est du lieu qui n'arrête pas comme la terre qui nous ancre dans l'oppression de l'asphyxie, et dont le creux sombre des vallées, dont les pentes rocheuses et les crêtes neigeuses sont le cauchemar vécu.
   Mais nous sommes des humains. Nous ne sommes pas des poissons, nous qui déchantons de n'être pas non plus des oiseaux ; nous, les heimatelots que la terre travaille, laboure intimement sans jamais nous arrêter. S'arrêter c'est chavirer sur terre. Pour nous, la mer, c'est l'obsession de la terre quand la terre nous travaille dans la sollicitude de l'urgence. Pour que la terre nous laboure il ne faut pas que nous y restions et nous sommes faits pour la terre. Pour que la terre continue sans cesse à nous travailler, il faut sans cesse aller au-devant d'elle jusqu'à ce que s'y fixer devienne une impossibilité de vivre. Espace à penser pour les poumons, pour sentir à quel point nous sommes passés par là, à ne plus savoir où.

(Sisyphe MAZROCHE, La grande vadérappe)






vendredi 9 février 2018

INSTANBILITÉ

Limite cursive et fictive quoique vécue séparant le passé de l'avenir.


   « L’espoir fait vivre ». On dit comme ça. On ne doit pas y réfléchir pour s'y réfléchir. « Espoir » : on est condamnés à dire toujours la même chose pour rebondir. On ne vit que pour ça, pour ce vent vivifiant du large qui nous mènerait passivement à nous-mêmes en attendant de nous mener nulle part.
   Alors vivre en permanence dans la représentation de la réalité non avenue. Avoir toujours un projet d’avance, une lecture d’avance, un jour, une année d’avance sur celle en cours, jusqu’à ce qu’on y soit enfin pour... Voilà : c’était ça. C'est donc ça, « l'avenir ».
   En même temps on s’empresse de ne pas y arriver, le temps de le construire pour y être tel qu'on le projetait avant même d'y être. Donner suite à la fuite en avant avant même. Ainsi va-t-on s'inventant au-devant du vent.
   Devenir : ce recul, en fait ; cette contemplation ; cette lecture de la chute de peur de tomber des nues… Cette expectative élaborée de l’avenir, autrement dit instanbilité angoissante et parfois délicieuse par quoi tout est en train de s'inscrire, est la seule chose qui nous permette de vivre en toute conscience l'épaisseur de notre roman, autolecteurs ricochant sur l’eau comme des pierres plates jusqu’à ce qu’elles coulent.

(Urbain LEBOSIRE, Assez dit)

mercredi 7 février 2018

LOINTEINDRE

Parvenir à rejoindre un ailleurs improbable obnubilant.


M'échapper des jours blancs, errer sans foi ni loi
Pour contempler la nuit par désobéissance,
Et lointeindre là même où je puisse être moi,
Comme un pet échappant à toute vigilance.

(Rémi CHAUWDLER, Méconnaiscience ou Les ficelles du paradis)

samedi 3 février 2018

MYSTERRE

Territoire imaginaire idéalisé.


L’eau de delà la mer c’est encore la mer.
Où qu’on aille, le vent malgré nous nous y mène ;
Un impossible ailleurs qui transforme l’enfer
De la terre éphémère en mysterre inhumaine.

(Simon DIEUTZ, Avant Dieu)

vendredi 2 février 2018

NAVIGATERRE

Velléitaire ambitieux.


CHRISTIAN, agacé.
Tu me fais mal au cœur à bouger tout le temps.
Arrête !... ou je t'envoie une pointe nasale.

CYRANO
C'est que je suis en mal de me faire la malle,
Comme un navigaterre avide de bouger,
Voyageant sans bouger, rêve de voyager.

CHRISTIAN
Alors profites-en pour aller sur la lune !

CYRANO
Cela m'aiderait-il à combler ma lacune ?

CHRISTIAN
Crois-tu que ce qu'il manque en toi puisse être ailleurs ?
Voyages au long cours sont toujours les meilleurs
Qui ne sont pas en butte aux limites du monde.
Va donc là plutôt où la terre n'est pas ronde.
La lune sur ce point est vraiment nulle à chier.
C'est juste le moyen qu'il faut étudier.
Le vrai but d'un voyage est de mettre les voiles :
Seul partir compte.

CYRANO
                                        Alors autant vers les étoiles.

CHRISTIAN
Maintenant tâche un peu de trouver le sommeil.

CYRANO
Je voudrais bien t'y voir.

CHRISTIAN
                                                    La nuit porte conseil.

CYRANO
Alors repasse-moi l'oreiller de dentelle.

(Raymond de VOSTAND, Cyrano de Rudubac)


"NAVIGATERRE" Edmond ROSTAND "Cyrano" (Arabécédesque, Olivier Goldsmith)

mardi 30 janvier 2018

OUBLIEN

OUBLIEN (Essais Montaigne) https://arabecedesque.blogspot.com


Pense-bête dont le sens est perdu.


   Un mouchoir avec un nœud c'est pas pratique. C'est que c'est pas un mouchoir : c'est un pense-bête pour ne plus me moucher dedans. Pas dans le pense-bête, dans le mouchoir. Le seul fait de penser à ce qu'on fait avec un mouchoir sans y penser suffit pour que je me refuse à le faire, mais comme le seul fait de penser à autre chose suffit pour toujours finir par le faire sans y penser, je m’efforce toujours de penser à ce que je fais pour ne pas le faire, d'où ce nœud perpétuel pour me faire penser de penser à ne pas le faire sans y penser.
   Car en fait, à bien y penser, ce n'est pas moins sale de le faire dans un mouchoir que dans ses doigts, même si bien sûr c'est plus propre de le faire dans un mouchoir quand on n'est pas seul, mais c'est d'autant plus propre de le faire dans ses doigts quand on est seul à le faire qu'il est bien sûr plus rapide de laver ses doigts que le mouchoir.
   Et un pense-bête ça sert à ça quand je suis seul. Sans lui, je finirais sans y penser par chercher un mouchoir sans nœud pour y faire ce que je ne veux pas faire sans y penser. Si je ne suis pas seul, j'évite évidemment de le faire avec les doigts, ce qui serait alors plus sale de le faire qu'avec un mouchoir, ce qui fait que je garde le nœud du mouchoir pour penser aussi à ne pas le faire avec les doigts, ce qui fait que, seul ou pas, je n'ai plus de mouchoir mais un seul pense-bête avec un nœud perpétuel qui fait qu'à force de n'y plus penser je n'y pense plus vraiment et cela devient un oublien, à ce point d'avoir déjà cherché un mouchoir dans ma poche quand je ne suis pas seul alors que je n'ai plus qu'un pense-bête sur moi qui me paraît inutile parce que c'est devenu un oublien, mais que je n'ose transformer en mouchoir de peur d'oublier que c'est un pense-bête. Et un second mouchoir, sans nœud celui-là, ne ferait en rien l’affaire car je pourrais tout aussi bien le prendre pour un pense-bête auquel j'aurais défait le nœud sans y penser, et sans y penser lui faire un nœud pour ne pas oublier que c'est un pense-bête, ce qui fait qu'avec le temps j'ai pris l'habitude d'éviter de paraître ou de recevoir quand je suis affairé du nez, jusqu'à hésiter parfois à le faire avec les doigts quand je suis seul tant le nœud dans la gorge me serre à la pensée de m'être trompé d'oublien.
   Un oublien est cette mémoire égarée qu'on garde précieusement de peur de l'égarer, autant par nostalgie d'avoir pu savoir ce qu'on pensait pour y penser après, que comme trace infime qui nous rappelle que nous avons été ce que nous sommes appelé à être de moins en moins au fur et à mesure que le temps va s'accélérant de plus en plus tandis que nous perdons de la vitesse jusqu'à cette angoisse de l'immoublilité totale, disparition qui n'a plus rien à voir avec ce qu'on pensait être de l'immortalité sans y penser vraiment. L'oublien a ce goût d'éternité palpable qui nous rassure le temps de le considérer, sans nous apporter plus d'espoir pour autant ; qui fait perdurer dans l'illusion de faire un nœud à son destin sachant sans y penser vraiment qu'il est inutile de faire et de penser ainsi, car l'éternuement final ne fait rien à l’affaire sinon qu’en nous faisant la nôtre puisqu'en définitive c'est nous qui sommes mouché.

(Romain DUFLIPEUR, Les démonologues)

jeudi 25 janvier 2018

PERSPECTRIVRE

Sensation parfois exacerbée d'évanescence ectoplasmique de source spiritueuse.


Nous tanguions vaguement sur des mers sans rivages :
Au bout de chaque rue un gouffre s'entrouvrait,
Nous invitant alors à d'incessants mouillages
Pour abriter nos cœurs du ciel qui nous pleurait ;
Perspectrivre sans nom de nos vagabondages
Dont le flot aussitôt effaçait les sillages.

(Vivien VERVAL, Amour, vengeance et pléonanisme)

mardi 23 janvier 2018

RÉPARAFISTOLER

RÉPARAFISTOLER (Michaux Honfleur)


Raccomoder provisoirement.


   Aller passer la nuit dans un hôtel de passe. Seul. Comme si cela tombait sous le sens quoique coulant de source glauque. Et, comme Chauwdler à Honfleur, l'alexandrin blanc d'emblée s'impose pour dire la chose en prose. Regard vaguement inquiet de la taulière sur ma grosse valise : les perversions solitaires – pour ma part quelques effets indispensables, entre livres sans histoires mièvrement torrides, mais indispensable(s) bouteille(s) – nuiraient-elles à la réputation de ce « chuchôtel », comme on les appelle ici, sans doute à cause des vents coulis dans le conduit des cheminées depuis longtemps éteintes, et que la mer proximante aux vertus indociles incessamment insuffle ?
   Je la porterai moi-même. Si encombrante et pesante dans le petit escalier aux murs tendus de rouge menant à mon alcôve aux grands miroirs. Poignée réparafistolée à la tords-toi le nœud par mes absences de soin, et qui endoloripe les doigts. Collection imaginaire de galets de toutes les grèves, de tous les ports visités avec les sifflements de la nuit dans les vergues et les oreilles quand le sol continue d'occuper les pas, de supporter le poids des ambitions insatisfactices halées par le jour toujours à venir si décidément l'horizon désespère… Et puis, maintenant, cette pesanteur ancrée dans la tête en considérant celle de la « chuchôtelière » : cette laideur des femmes soudain, comme les remontées désastreuses d’un océan de banalité dans un monde qui, parvenant à son ultimité, commence à s’y enfoncer insensiblement ; comme de nos jours les voitures se ressemblent toutes dans cette mocheté que les diktats de l'aérodynamisme leur confèrent…
   En fait, il y avait dans ma solitude l'exaltation tranquille d'un bonheur reconquis dans l'audace de la désespérance et, à ce titre, j'étais effectivement un pervers aux yeux des honnêtes gens. La taulière – qui s’avéra taulier après réflexion – avait donc des raisons jugées visiblement « passables » d’exprimer à mon endroit quelque marque de défiance, et je ne me formalisai pas plus outre de la suspicacité désapprobatrice de son hospitalité.

(Léopold CHARTRE, Demain il pleuvra sur Saint-Gleville)