Se hasarder à des plaisanteries douteuses.
CHRISTIAN
Je compris un peu tard que mes mots firent mouche
Et regrettai bientôt d’avoir ouvert la bouche,
Redoutant qu’il ne vînt lever cent émouchoirs
Pour transformer mon pif en usine à mouchoirs.
LEBRETTEUR
Etouffez quelque temps vos feux dithyrambiques
Plutôt que d’attirer la foudre par des piques.
A des jeux moins risqués allez donc exercer
Vos talents.
CHRISTIAN
Mais, mon cher, j’étais loin de penser
Qu’à plaisanter ainsi sur un nez de gorille
L’humeur déshumorise au point qu’on courrouspille !
LEBRETTEUR
Dame ! sur un tel nez gardez d’humorisquer
De crainte qu’il ne vienne à s’en étoffusquer !…
« Nez de gorille » !… Quelle autre injure est moins pire ?
CHRISTIAN
Et pourtant…
LEBRETTEUR
Justement : pour lui, pince-sans-rire
A tête de litote incline à son billot.
CHRISTIAN
Quoi ? si peu d’hyperbole et le prendre si haut,
Pour ne jamais flairer de trait inadmissible
Sans qu’insensiblement il s’en sente la cible !
(Raymond de VOSTAND, Cyrano de Rudubac)