Indétermination fébrile et laborieuse. Concentration paralysante de l’esprit.
Le style, c’est toujours mieux de ne pas s’en occuper et de se laisser embarquer sans chercher à dire autrement, autrement mieux, ce qui prendra forme peu à peu par accrétion de tout ce qu’il y a eu jusque là. C’est ça le style. Celui qu’on ne choisit pas, le nôtre, qu’on ne voulait pas forcément. Écrire c’est ainsi que ça se passe sinon c’est autre chose, une habile posture pour faire savoir par ce biais, mais ce n’est plus nous. C’est juste notre savoir-faire qui fait illusion et, un jour ou l’autre, on finit par en être désastreusement désœuvré.
Sur l’instant d’écrire on ne voit rien de ce que ça peut être. On ne vaut rien. On croit ça. Mais le doute, tout ce qui fait achopper, sert paradoxalement à progresser. Je crois qu’on n’avance pas sans ça quant à ce que nous sommes. On n’accepte pas d’être aveugle quand on a des yeux pour voir, de tituber sans boire, toutes ces hésitensions qui donnent l’impression de perdre un temps précieux comme si on en saignait. C’est comme de ne rien faire. Même quand on ne fait rien on travaille. On travaille sans nous. C’est parce qu’on est travaillé quoiqu’il en soit. Il n’y a jamais de repos. Il y a toujours quelque chose qui se fait. Ou se défait, c’est pareil. Écrire de ne pas écrire. Ne pas parvenir à écrire et écrire quand même, jusqu’à ne plus écrire pour espérer écrire un jour…
Avoir du style, c’est être dépassé par soi et souffrir infiniment de croire qu’on ne puisse jamais l’atteindre.