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mercredi 12 décembre 2018

SALUBRIÉTÉ

Ivresse salutaire.


C’est un luxe inouï d’étoffes, de dentelles
D’une femme comme ivre aux rires assassins
Qui dispense alentour le parfum de ses seins,
À moins que ce ne soit celui de ses aisselles.

Longtemps son cœur, versé dans les fausses amours,
À tout vent a battu comme une vieille enseigne.
Si parfois le soleil l’illumine et la baigne,
Ses yeux restent pourtant chargés des sombres jours.

Elle n’est plus bien jeune et pourtant elle est belle.
Un incurable mal lui ronge la mamelle
Pour soulager bientôt celui de son destin :

Elle va retrouver ainsi qu’un météore
La nuit froide, emportant dans un bruit de satin
La salubriété qui la fait rire encore.

Charles Baudelaire "Salubriété" Olivier Goldsmith (arabécédesque)

dimanche 9 décembre 2018

TIGRENOUILLE

Plongeur vêtu d'une combinaison à motifs rayés ou tachetés, censés simuler par mimétisme l'aspect d'un prédateur, pour prévenir les attaques de requin.


   J'étais si préoccupé, à scruter le gouffre qui s'ouvrait sous nos yeux, que je finis par oublier les autres tigrenouilles qui nageaient avec moi, si bien que lorsque l'un d'eux entra dans mon champ de vision, mon cœur bondit si violemment dans ma poitrine que l’écart que je dus faire effraya mon compagnon à son tour, et nous dûmes échanger un geste amical pour tenter de nous rassurer.

(Otto ALTAGUA, Cent mille yeux sous la mer)

jeudi 6 décembre 2018

VAGABONDULER

Se mouvoir en formant des sinuosités irrégulières.


Et le feu, comme on rêve avant de s'endormir,
Vagabondule aux murs dans sa lente agonie,
Comme l'apaisement d'une mer infinie
Qu'un reste de fureur fait encore frémir.


"VAGABONDULER  Baudelaire "arabécédesque, olivier Goldsmith"

lundi 3 décembre 2018

XANTIPPATHIQUE

Relatif au parangon mégéral, en parlant d’une femme à l’humeur difficile.


    Un sou c’est un sou : ici, c’est comme ça ! crachaboya la patronne de l’hôtel sur un air xantippathique de boniche venimeuse au timbre rauque. Puis, balai toujours en main, elle claqua la porte sans même m'indiquer le chemin de la gare.

(Noël ANOUCA, Les grands horizons)

vendredi 23 novembre 2018

ADMIRACULEUX

Qui n’a du prodige que l’apparence.


   Ça, de la poésie ? cette faculté admiraculeuse d’inadaptation, intime errance de l’inepséité prétexte à vague à bondage qui s’enchaîne sans contrainte ni bagage, à langage qui engage celui qui en fait l’étalage dans la voix qu’il s’est choisie à la capella pour exhal(t)er ex cathedrâle une individuité déclarée farouche en se flattulant le moimoimoi dans un tintamarre soleillitaire ? ce longrand tour d’y voir la gueule que ça prend quand ça vous œuvre dans le tréfonds ?… Il est comme ça de ces rabots électriques qui vous travaillent les nerfs en vous coïtant la tête dans un pululement* plus enchanteur qu’un soupir de sirène.

(Escolo PANDRIA, Les flâneries d’un coursepatte)


__________
* Fait mot-valise avec « ululement », donc un seul l (càd 2 au lieu de 3). On ne se corrigera donc jamais… De toute façon, avec ce fichu blog, traversée d’un désert sans limite, ce sera toujours comme ça… Allons, encore un petit effort avant de s’arrêter pour de bon.

dimanche 18 novembre 2018

BLANCHAIR

Pâleur uniforme de l’épiderme.


   Ces seins qui sont les siens. Qu'on dévorerait. Pas la chair mais l'illusion qu'elle suscite, la forme traduite par la chair. Tâter pourtant sans qu'on sache vraiment quoi, fruits trop neufs cueillis du corps encore intact. Blanchair accablante d’élacticité. Et, dans la démarche, l'air de s'en foutre. En fait, un désir royal qui ne se sait pas. Indifférence volage qui mêle subtilement sa superficialité à des fureurs pesantes déjà naissantes, imperceptibles encore. Alors ce désir-là, intouché, dont on ne sait plus quoi faire, pas même mordre. Juste l'envie.

(Rosaline DUCLE, Un amour d'anatomie)

mardi 13 novembre 2018

CORSONNET

Célèbre poème à forme fixe et en taille de guêpe.


Un corsonnet, mais qu’est-ce ? — Un texte bien lacé
Qui trouve sa tournure en serrant la taille,
Interdisant au corps, dans sa tenaille,
Tout excès qui serait déplacé ;

Qui serre encor la taille prise
Pour faire jaillir le haut,
Et rentrer comme il faut
Le bas par traîtrise,

Qu’un moule enfin
Si soudain
Libère l’âme

De son contenu
Au papier qui réclame
Son lot de poème nu.

(Apollon KLOSTROGNIAMENTALK, Poèmes-revolver et pistolettres)

lundi 5 novembre 2018

DÉSORIANTISE

Peur panique de s'égarer ou d'être égaré qui fait s'égarer pour de bon.


Vain sillage allure morte
étrave sans entrave

écume aux lèvres
désoriantise là-bas silence

mots inertes amuïs
mer toujours blanche après

cette forme qu'elle aurait
quand on y pense

(Arsène ORZELLE, Les mots-delà)

jeudi 1 novembre 2018

ÉNAMORRHÉE

assiette de dessert MONTERAU "les enfants précoces"


Débordement de mièvrerie sentimentale.


   En fin de journée, m'enivrant d'un air serein propice à l'exaltation de mon manque de caractère, je m'abandonnais mollement à l'irrépression d'une énamorrhée délicieuse qui eût horripilé ma belle Aurélie aux yeux noirs.
   Ainsi, bercé par mon excès d'immaturité, je goûtais avec avidité ces quelques moments précieux où succomber à la tentation d'aller lui confier l'expression de mes sentiments les plus attendrissants, tout en me complaisant dans la plus grande incertitude quant à l'exécution de ce noble projet, en me confortant toutefois dans l'assurance vague qu'il faudrait me décider un jour ou l'autre tout en supposant que je n'en ferais rien une fois de plus ; et cette partie constamment remise entretenait en moi cette flamme obscure qui consumait tout mon être d'une langueur presque joyeuse, et où l'idée de me voir livré à mon tendre bourreau me ferait échapper de moi-même, comme le serin découvre l'imperfection de sa cage qui lui offre enfin l'anéantissement d'un amour consommé.

(Eugène FROMASOTI, Mariamanda)

lundi 29 octobre 2018

FIASCOÏT

Panne sexuelle engendrée par l’idée de procréation.


Ta tristesse au front bas ou tes rires scabreux
Majestueusement enrubannés de soie
Sauront, au fiascoït si bien malencontreux,
Étoffer le désir que ton ventre fourvoie.


Fiascoït (Baudelaire) "Arabécédesque, Olivier Goldsmith"

vendredi 26 octobre 2018

GALIMATHÉMATIQUE

Rigoureusement incompréhensible.


Déterminisme étrange, algébreu chaotique…
Calculomania galimathématique ;
Ingéomaîtrisable horreur sur tableau noir
Que l'on indégurgite avec un entonnoir.

(Benjamin SCORVICIÉ, Les barbioles)

dimanche 21 octobre 2018

HÉSITENSION

Indétermination fébrile et laborieuse. Concentration paralysante de l’esprit.


   Le style, c’est toujours mieux de ne pas s’en occuper et de se laisser embarquer sans chercher à dire autrement, autrement mieux, ce qui prendra forme peu à peu par accrétion de tout ce qu’il y a eu jusque là. C’est ça le style. Celui qu’on ne choisit pas, le nôtre, qu’on ne voulait pas forcément. Écrire c’est ainsi que ça se passe sinon c’est autre chose, une habile posture pour faire savoir par ce biais, mais ce n’est plus nous. C’est juste notre savoir-faire qui fait illusion et, un jour ou l’autre, on finit par en être désastreusement désœuvré.
   Sur l’instant d’écrire on ne voit rien de ce que ça peut être. On ne vaut rien. On croit ça. Mais le doute, tout ce qui fait achopper, sert paradoxalement à progresser. Je crois qu’on n’avance pas sans ça quant à ce que nous sommes. On n’accepte pas d’être aveugle quand on a des yeux pour voir, de tituber sans boire, toutes ces hésitensions qui donnent l’impression de perdre un temps précieux comme si on en saignait. C’est comme de ne rien faire. Même quand on ne fait rien on travaille. On travaille sans nous. C’est parce qu’on est travaillé quoiqu’il en soit. Il n’y a jamais de repos. Il y a toujours quelque chose qui se fait. Ou se défait, c’est pareil. Écrire de ne pas écrire. Ne pas parvenir à écrire et écrire quand même, jusqu’à ne plus écrire pour espérer écrire un jour…
   Avoir du style, c’est être dépassé par soi et souffrir infiniment de croire qu’on ne puisse jamais l’atteindre. 

(Doralisa PYRARGNE, Savoir comment savoir)