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vendredi 8 avril 2022

HALLUCIGNITION

"Apollonie Sabatier", bicentennaire de sa naissance, (7 avril 1822)


Perception psychique sans objet réel dans lequel la notion de feu joue un rôle prépondérant.


  Se la jouer Granguignon pour se refaire des histoires, du roman de soi venu d'ailleurs, alimenté par l'impatiente et patiente traduction qui s'accomplit de jour en jour, fébrile, vivifiante, à malmener interminablement le Boyer écorné : retrouver ce qu'il y a eu avant les mots, à en palper sinon que des mots ; tâter là-même la véracité de l'invérifiable obsédant, du sublimagyné à s'en aveugler. Pèlerinage absorbant d'un traducteur improvisé remontant ses propres traces dans la ferveur du miroir-sans-tain, jusqu'à transformer le réel pour se l'approprier. Dérapage insensible, irrésistible, dans l'ivresse de la solitude, en quête de révélations éblouissantes. Et puis angélitisme à l'instar du modèle original pour entretenir le flambeau vivant d'un fantôme cristallisé avec assez de force pour bâillonner les sarcasmes ruminés de la maldonne, assourdir les ricanements échoïstes de la brunante daubeuse.
  Alors cristallisation encrée au détour d'un trait de plume un peu trop gai, un triste soir de décembre frisquet réchauffé par l'âme irradiante du vin évadé de sa prison de verre, et, « les yeux illuminés par l'ardeur du mirage », ressortir du tiroir quelques strophes vengeresses à la chute morbifique pour stigmater un rire par trop cristallin s'il n'est moqueur. Récurrence maladive qui porte au rouge un cœur battu d'avance dans l'indistinct foisonnement d'un paysage ouvert aux perspectives illimitées. Tant d'océan déjà. Cette liberté qui fait doucement mal, lancine en cela sans cesse, fait de la solitude l'exaltat obligé par l'icarcération dans des cieux imagynaires : soleil convoité comme d'immenses prunelles où s'engouffrer cul sec pour s'évader de sa prison de terre.
  Et c'est l'étoile devenue femme ainsi sacralisée dans cette hallucignition que le poète, qui se fait prêtre adorateur dans le feu d'une passion savamment désincarnée, en vient si bien, ne serait-ce que par l'incandécence de la parure, à se brûler consciencieusement les ailes et la cervelle jusqu'à extinction, et insensibilité de la cendre chargée d'une mémoire infiniment revisitable. Cette volupté des intérieurs démesusurrés. « Le rêve qu'on espère est celui qui prend forme ». Cette usure, cette lassitude tant convoitée, ce détachement délicieux passionnément escompté, distance nécessaire dans l'éternelle contemplation d'une attente passive, réconfort du spectacle domptément prolongé de ce qui fut embrasement, comme le soleil vient s’affaler pompesamment sur un horizon impeccable de sérénité ; spectacle construit de soi-même sans les inconvénients d’un naufrage non consenti, avec ce sentiment vague d’avoir été heureux sans que, bien sûr, il n’en ait rien été.

(Aldus LOEWENSPOEL, Maman Bobo)

mardi 8 mars 2022

INACCOMPLU

Qui laisse sur sa faim, en parlant d’une lecture.


  Ce livre de moi car par moi seule acquis : je veux que ce livre-là, écrit par telle hauteurité, publié par telle maison autorisée, soit le mien : que son propos ripe dans mes mains : que grâce aux quelques euros qu’il m’a coûté, à cause de la fascination que j’ai eue pour cet objet de façonnage, il devienne mon entière propriété : de la bouffe qui dure en moi : que tout ce qui-y-est exposé tourne à mon avantage : soit le fait de ma seule volonté de lectrice.
  Et si cela me semble inaccomplu, alors je veux manipuler l’objet dans la pénombre avec mes lunettes de soudeuse, de challumeuse, et parfois même en clignant de l’œil pour mieux ressentir l’étincelée des phrases que j’y veux lire, et comme si paradoxalement je devais me protéger de leur trop d’éclat : je ne veux être aveuglée que par moi-même au détriment de l’autreur, ce vagabond flouté par qui l’objet a eu lieu, condamné à errer dans mes pensées elles-mêmes bohémiennes : spectre devenu absurde et dérisoire par qui je parviendrai d’une manière ou l’autre à me raccrocher à moi-même, cet unique, ce tyrannique objet de lecture.

(Lucie FERCATLEYA, Le papier se digère très bien)

jeudi 24 février 2022

JAMBARQUER

Monter périlleusement à bord d’un canot.


nuit sans autres étoiles lumières de la ville bout’s sans mitaines coffre invisible clapot soif sauvagement gorge pleine de terre imminente quille affamée de sol ferme désir avant que l’eau ne la gâche précipitension véloce intépidité fausse gestes qui heurteraient le corps dans le désir dur à dire presque spasme amoureux jambarquer annexe à la jupe face au large pourtant terre droit derrière déséquilibre stable vacillation caresse amoureuse un seul frisson qu’entretient l’air chargé d’espoir plus près le clapot prometteur de chaleur humaine à portée de nage port au fil du flot qui s’en réjouit peau de satin qui frétille sombre ramper au ras de la soie vive et noire voix d’eau pour rebondir encore vers ce qu’on voudrait être dernier pet matoiserie du flot la pisse ancrée de la mer au mitan de la terre

(Victor MALPLANCHE, La folle aventure du Chokétou)

samedi 5 février 2022

LIMBRIAQUE

Relatif à la confusion ébrieuse régressive.


Merciel qui ne ressemble à rien ;
Magmarne qui s'idéiforme…
Limbriaque par temps de chien,
Cervocéan phénoménorme.

(Rémi CHAUWDLER, Exilerrance)

mercredi 26 janvier 2022

MENTAIRE

Apollonie Sabatier, celle qui est trop gaie selon Baudelaire
Celle qui est trop gaie

Omettre par pudeur, par lâcheté.


À mentaire avec toi je ne suis plus moi-même,
Sinon pâle héros d’un roman sans auteur
Qui, plein de ton image, attarde son poëme,
Aventure sans nom dont je suis l’inventeur.

Et, certains soirs, longeant les murs ainsi qu’une ombre,
Je trempe dans le vin ma plume sans pitié
Pour conclure à nouveau dans mainte chambre sombre
Une histoire d’amour sombrant dans l’amitié.

lundi 17 janvier 2022

NÉGÂTISME

Opposition sénile à toute sollicitation.


  Usé d’avoir pu résister jusqu’à ce jour à l’épreuve du temps et fâché contre moi d’une telle victoire de la vieillesse, honteux de l’acceptation raisonnablement passive de mon athlétisie, je n’ai plus à souhaiter que négâtisme aveugle qui précipiterait enfin la chute de ce corps absurde de résistance.

(Stanislav RASIDORT, Affaiblismes sarcasmatiques)

mardi 28 décembre 2021

ORDURIRE

Se réjouir ouvertement des plaisanteries les plus graveleuses.


Ah ! mon Amy, souffrons de n'en rire jamais !
Je ne vous comprens pas : vous aymez l'élegance
Et vous orduriez à la derniere outrance.
Avez-vous donc ce goust de la perversité
Pour couronner encor tant de stupridité ?

(Légitimus CŒURNŒIL, Ithyphigénéithliacus)

samedi 4 décembre 2021

POÉTARADER

Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, édition originale (Olivier Goldsmith)

Balancer à tout-va des vers de mirliton.


Aller partout enfler, à qui veut bien l’entendre,
Sa bedaine et sa voix des talents d’un Clitendre ?
Signer dans les salons des piles de recueils
Pour combler l’appétit des modestes orgueils
Puis, poétaradant de force prosodies,
L’essor illustre ailé de plumes alourdies,
Dégorger du gueuloir entre deux « pas d’souci »
Pour vomir sans pudeur son nombril ? Non, merci !

(Raymond de VOSTAND,  Cyrano de Rudubac)

mercredi 24 novembre 2021

RÉCOURANT

D’une banalité incessamment ressassée.


Je préfère à l’écrit la nature des choses,
L’odeur des draps qu’on sniffe avant de se coucher,
Aux mots dits l’océan du silence des roses,
Au bonheur récourant leur épine au toucher ;

Et dans la mort prochaine ouverte aux nuits sans lune,
Alors j’endormirai les peines, les espoirs,
Tout le sang refroidi d’une ivresse commune
Vainement récourante aux avides miroirs.

(Hugo SPLECTOR, Les Contraceptions)


Victor HUGO, le front lourd de pensées

mercredi 17 novembre 2021

SONNÉTÉTÉ

Dizain de Lochac. Type de poème à forme fixe qui existait avant même d’avoir été créé.


Des poèmes ratés, c’est-à-dire infinis,
J’en ai commis assez pour en commettre encore ;
Laisser inachevés pour les laisser éclore
Des mots sans avenir et partant rajeunis.

Car j’ai toujours été curieux d’autre chose,
Tout ce qui devant moi fait que pour cela j’ose
En rêvant d’achever ce qui n’existe pas.

Ainsi, sans le savoir, je me mets à écrire
Ce qu’en rêve on écrit sans vaine mise bas,

Plus d’un sonnétété qu’on ne saurait réduire.


(Apollon KLOSTROGNIAMENTALK, Poèmes-revolver et pistolettres)

lundi 8 novembre 2021

TARABISCOTON

Aux abords inextricables.


  Plutôt « tarabiscoton », comme tu disais dernièrement, érautorisant ainsi l'abondance des jupons ; mais qu'enfouie dans cette cage adorablement protectrice et sursatinée, où sans cesse tu viens immiscer ton impatience, je te puisse être offerte dans l'abandon consenti de notre empêtrement.
  Aussi faut-il que tu me tiennes de cette manière, vois-tu, d'une main tantôt gauche, tantôt maladroite, mais toujours avec l'indécente fermeté du satrape, mon cher, de sorte à ce que, m'engonçant davantage dans les délices de ma retraite, je puisse ressentir à travers la tendre épaisseur des murs de cette prison ta volonté farouche de vouloir me jouir avec la plus grande lâcheté, et par laquelle j'achève enfin de me lâcher en me pâmant.

(Violence SOUMISSOUS de CHAUDEPIN, Crinoline et mauvais genre, ou Les vicissitudes du vertugadin)

dimanche 31 octobre 2021

VATROUILLE

Crainte permanente de s'établir ; incapacité majeure à se fixer.


  Libres comme l'air, nous pensions pourtant qu'il n'y avait plus rien à trouver. Dans notre vatrouille, nous voulions ignorer cette désolation de nos vies chassant sur un monde renié. Seul ce que nous rêvions motivait nos agîtations. Impossible Mexit. Nous cherchions des limites, mais il n'y avait pas d'autres limites que nous-mêmes et c'est cela qui nous liait. Nous n'avions plus le pouvoir de nous arrêter. Nous le savions et parfois, sans nous l'avouer, comme si un troupeau d'anges passait près de nous, cette pensée secrètement nous terrifiait à nous tordre l'estomac tandis que nous continuions de pencher en avant.

(Carlos PEROUEC, Califrisco)