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jeudi 20 octobre 2022

Elle et Lui (Arthur Rimbaud)

ELLE

(Travail de Mémoire)



L’eau claire avec le sel des larmes de l’enfance
Blancheur nue au soleil l’assaut des corps de femme
À cru la soie aux flots portée Elle oriflamme
Où fleurit un ammi qu’une semelle offense

Ébat d’anges spectral le coulis d’air en marche
Cris d’or frais sauroraux au chiasme sourd Elle
Sombre avant la nuit claire où sa couche rebelle
Ombre de ses draps d’or l’eau saline sous l’arche

Et l’œil humide pompe à l’Olympe limpide
L’eau tiède au fond du cœur la pâleur insipide
Lavant sa robe bleue où valsent les ombelles

Fourmillement lent d’eau lasse Elle pleure comme
La mémoire infantile aux miroirs infidèles
Pour voir naître l’aube et vivre la mort de l’homme


LUI


                    Il faut lire en fermant les yeux
                    Chaque mot éprouvé qui sonne
                    Rebelle au sens et mélodieux
                    Et puis le sens alors rayonne

                    Ce qui t’échappe s’en revient
                    Boomerang faute de mémoire
                    Pour retrouver ce presque rien
                    Qui te comblait dans la nuit noire

                    Et dans l’art du demi-sommeil
                    Vêtu du plus simple appareil
                    Tu vibres au vent du silence

                    Plus rien n’existe tu revois
                    Et revis la même séquence
                    L’écho tu de ta propre voix


samedi 1 octobre 2022

AUTOMNALITÉ

Arabécédesque (olivier Goldsmith) Automne selon Baudelaire (Fleurs du mal)

Déclin nuancé de l'arrière-saison.


« Monautomne » est un mot-valise devenu facile
Pour ne plus faire voir à force de vouloir le dire,
Qui ne fait plus craquer le sol frémissant et stérile,
Ni vaciller le cœur qu’une ivresse sans vers chavire.

Mais « l'automnalité » d'un jaunissement qui jubile,
Pour quelque songe-creux cherchant quelque or pour son empire,
A le charme infini d'un bois de Boulogne fébrile
Qu'un ciel chargé de pleurs invite, révèle et inspire.

(Vivien VERVAL, Brumes et murmures)

vendredi 23 septembre 2022

BOUM-BOXE

Mélanchon et Jean-Marie Le Pen, (boum boxe)

Divertissement consistant à distribuer des coups de poing en beuglant au rythme d'une musique tonitruante.


   Ce fier-à-bras de Melagnocchi tendit la paire de gants à monsieur le marquis qui, suffisamment remonté tandis que la musique faisait rage, gravitait autour du sac depuis un moment, réclamant à plein kiki la séance de boum-boxe qui le libérerait pour un temps de ses tiraillements infantiles. 

(Théophrasque TOURNARON, Battant et trébuchant)

jeudi 15 septembre 2022

CENSUSURRER

"Britannicus", parodie de la pièce de Jean Racine


Chuchoter ou mimer ce qu'on n'ose dire tout haut.


ALBUMINE
Si je devine en vous maint panchant pour le sexe,
A vous voir, je demeure indécise, perplexe ;
Mais je veux, à l’aspect d'agremens si serrez,
Juger là de propos que vous censussurez :
Autant que vostre slim vous moule fort la chose,
Vos yeux parlent bien mieux quand vostre bouche est close.

BRITANORAQUE
Madame, il est plus doux, en de pareils appas,
De taire ce qu'on dit en le disant si bas,
Pour que ce qui se dit soit autrement sublime
Et monte plein d'ardeur de mon épididyme.

(Jean-Rachid de CRAMPISTON, Britanoraque)

samedi 25 juin 2022

DÉMONOLOGUE

Soliloque se nourrissant de lui-même à mesure de son développement.

   
    Comme rat en cage on ira comme on dit en spirale ; en râlant on dira sans arrêt qu'on est là seulement pour le dire, et en tournant autour de soi pour mieux se voir en le disant : démonologue parfois navrant et souvent redondant pour voir par où ça passe quand on y est et qu'on le dit d'y être, soulevé par ce qu'on voudrait y trouver d'indicible et de volé au sort par ce ressort tendu d'être là pour y désobéir, pile ou farce au pif opté pour avancer à reculons et se voir dire dans le miroir l'ombre sitôt du sens unique emprunté malgré soi dès lors qu'on s'en aperçoit le temps de l'avoir dit.

(Romain DUFLIPEUR, Les démonologues)

jeudi 12 mai 2022

ENCRIRE

Griffonner avec surabondance de liquide empreignant.


   Encrire ce n’est pas forcément écrire comme une patate, mais avoir de grosses papattes à dessein de laisser grassement trace. Cela oblige à ralentir le mouvement au risque sinon de rendre ladite trace indescriptible et de laisser traîner l’incomprégnation d’un plein limassivement flou. C’est vouloir prolonger un instant qui n’en finisse plus de sécher pour contempler des mots tout frétillants de sève avant qu’ils ne s’échappent explétivement par le papier. C’est perdre le temps nécessaire à ne rien faire d’autre pour gagner une part incertaine de ce qui nous échappe sans cesse en la mettant en relief.

(Doralisa PYRARGNE, Savoir comment savoir)

mercredi 27 avril 2022

FLATULULER, FLATURLER

Parler fort d'une voix aiguë, crier, pour couvrir un pet.


    De ce côté-ci nous avons vue plein sud sur la partie la plus pittoresque de la ville ! flatululai-je en ouvrant grand la fenêtre au cas où.
   Et, comme décidément aucun scooter ni sirène ne venait à mon secours, j’embrayai désespérément d'un grand éclat de rire en désignant le panorama d'un geste large.
   Dehors il faisait un soleil radieux, épouvantable.

(René SOUZIX, La liberté fait crier)

dimanche 24 avril 2022

GODELURÈTRE

Jeune homme se croyant irrésistible devant les dames en se tripotant la braguette.


  Si ça continue il ne va plus être présentable ! assuricana Dina dans sa barbe en soutenant le regard du godelurètre au visage lisse et luisant, mais que son verre semblait décidément encombrer.
  Le fait est, en dehors des regards, il n'y avait rien alentour pour poser un verre ni quoi que ce soit, si ce n'était à même le sol.
  ― Il a un slip au moins ? pouffa Vicky en se détournant pour reposer au sol son regard duveteux.

(Emmanuel SEULIVAT, Portraits cachés)

vendredi 8 avril 2022

HALLUCIGNITION

"Apollonie Sabatier", bicentennaire de sa naissance, (7 avril 1822)


Perception psychique sans objet réel dans lequel la notion de feu joue un rôle prépondérant.


  Se la jouer Granguignon pour se refaire des histoires, du roman de soi venu d'ailleurs, alimenté par l'impatiente et patiente traduction qui s'accomplit de jour en jour, fébrile, vivifiante, à malmener interminablement le Boyer écorné : retrouver ce qu'il y a eu avant les mots, à en palper sinon que des mots ; tâter là-même la véracité de l'invérifiable obsédant, du sublimagyné à s'en aveugler. Pèlerinage absorbant d'un traducteur improvisé remontant ses propres traces dans la ferveur du miroir-sans-tain, jusqu'à transformer le réel pour se l'approprier. Dérapage insensible, irrésistible, dans l'ivresse de la solitude, en quête de révélations éblouissantes. Et puis angélitisme à l'instar du modèle original pour entretenir le flambeau vivant d'un fantôme cristallisé avec assez de force pour bâillonner les sarcasmes ruminés de la maldonne, assourdir les ricanements échoïstes de la brunante daubeuse.
  Alors cristallisation encrée au détour d'un trait de plume un peu trop gai, un triste soir de décembre frisquet réchauffé par l'âme irradiante du vin évadé de sa prison de verre, et, « les yeux illuminés par l'ardeur du mirage », ressortir du tiroir quelques strophes vengeresses à la chute morbifique pour stigmater un rire par trop cristallin s'il n'est moqueur. Récurrence maladive qui porte au rouge un cœur battu d'avance dans l'indistinct foisonnement d'un paysage ouvert aux perspectives illimitées. Tant d'océan déjà. Cette liberté qui fait doucement mal, lancine en cela sans cesse, fait de la solitude l'exaltat obligé par l'icarcération dans des cieux imagynaires : soleil convoité comme d'immenses prunelles où s'engouffrer cul sec pour s'évader de sa prison de terre.
  Et c'est l'étoile devenue femme ainsi sacralisée dans cette hallucignition que le poète, qui se fait prêtre adorateur dans le feu d'une passion savamment désincarnée, en vient si bien, ne serait-ce que par l'incandécence de la parure, à se brûler consciencieusement les ailes et la cervelle jusqu'à extinction, et insensibilité de la cendre chargée d'une mémoire infiniment revisitable. Cette volupté des intérieurs démesusurrés. « Le rêve qu'on espère est celui qui prend forme ». Cette usure, cette lassitude tant convoitée, ce détachement délicieux passionnément escompté, distance nécessaire dans l'éternelle contemplation d'une attente passive, réconfort du spectacle domptément prolongé de ce qui fut embrasement, comme le soleil vient s’affaler pompesamment sur un horizon impeccable de sérénité ; spectacle construit de soi-même sans les inconvénients d’un naufrage non consenti, avec ce sentiment vague d’avoir été heureux sans que, bien sûr, il n’en ait rien été.

(Aldus LOEWENSPOEL, Maman Bobo)

mardi 8 mars 2022

INACCOMPLU

Qui laisse sur sa faim, en parlant d’une lecture.


  Ce livre de moi car par moi seule acquis : je veux que ce livre-là, écrit par telle hauteurité, publié par telle maison autorisée, soit le mien : que son propos ripe dans mes mains : que grâce aux quelques euros qu’il m’a coûté, à cause de la fascination que j’ai eue pour cet objet de façonnage, il devienne mon entière propriété : de la bouffe qui dure en moi : que tout ce qui-y-est exposé tourne à mon avantage : soit le fait de ma seule volonté de lectrice.
  Et si cela me semble inaccomplu, alors je veux manipuler l’objet dans la pénombre avec mes lunettes de soudeuse, de challumeuse, et parfois même en clignant de l’œil pour mieux ressentir l’étincelée des phrases que j’y veux lire, et comme si paradoxalement je devais me protéger de leur trop d’éclat : je ne veux être aveuglée que par moi-même au détriment de l’autreur, ce vagabond flouté par qui l’objet a eu lieu, condamné à errer dans mes pensées elles-mêmes bohémiennes : spectre devenu absurde et dérisoire par qui je parviendrai d’une manière ou l’autre à me raccrocher à moi-même, cet unique, ce tyrannique objet de lecture.

(Lucie FERCATLEYA, Le papier se digère très bien)

jeudi 24 février 2022

JAMBARQUER

Monter périlleusement à bord d’un canot.


nuit sans autres étoiles lumières de la ville bout’s sans mitaines coffre invisible clapot soif sauvagement gorge pleine de terre imminente quille affamée de sol ferme désir avant que l’eau ne la gâche précipitension véloce intépidité fausse gestes qui heurteraient le corps dans le désir dur à dire presque spasme amoureux jambarquer annexe à la jupe face au large pourtant terre droit derrière déséquilibre stable vacillation caresse amoureuse un seul frisson qu’entretient l’air chargé d’espoir plus près le clapot prometteur de chaleur humaine à portée de nage port au fil du flot qui s’en réjouit peau de satin qui frétille sombre ramper au ras de la soie vive et noire voix d’eau pour rebondir encore vers ce qu’on voudrait être dernier pet matoiserie du flot la pisse ancrée de la mer au mitan de la terre

(Victor MALPLANCHE, La folle aventure du Chokétou)

samedi 5 février 2022

LIMBRIAQUE

Relatif à la confusion ébrieuse régressive.


Merciel qui ne ressemble à rien ;
Magmarne qui s'idéiforme…
Limbriaque par temps de chien,
Cervocéan phénoménorme.

(Rémi CHAUWDLER, Exilerrance)