Rechercher dans ce blog

mercredi 21 août 2024

LITTÉRATURNE

"Cyrano de Bergerac", tirade des "Non merci"

Réduit poussiéreux encombré de livres, de papiers.


Mais… glander à propos, mais bayer aux corneilles,
Mais baîller de sommeil après de folles veilles,
Puis dormir, puis rêver, puis renaître à nouveau
Pour laisser maints projets envahir le cerveau,
Calé dans le cockpit de ma littératurne
Voyager sans entrave entre Lune et Saturne,
Passer mon temps à lire, à rimer comme un sot,
Versifier recto, rectifier verso,
Ne pas avoir à rendre un devoir, un ouvrage,
Etre un loser, peut-être, et manquer de courage,
Ne jamais rien finir pour tout recommencer,
Toujours, à perdre haleine, avancer, m’élancer,
Balancer, ressasser, m’exercer à l’audace,
Me perdre à m’égarer pour retrouver ma trace
Sans plus craindre l’échec, l’avenir, le linceul…
Et jouir malgré tout du tourment d’être seul.


(Raymond de VOSTAND, Cyrano de Rudubac)

vendredi 2 février 2024

MÉDIOCRITURE

 

Roger Farney "Le Nous et le Moi"

Graphisme minuscule aux caractères à peine formés.


   Adepte du crayon riquiqui, il lui fallait toujours une pointe de mine affûtée à l'extrême de sorte que sa médiocriture puisse imarginer à loisir, jusqu'à s'insinuer furtivement dans les interlignes les plus ténus ; incursion de qui va chercher au plus profond de l'objet faussement inerte de papier, et répugne à se contenter d'assimiler ce qui doit l'être à lecture. Constamment il lui fallait discutailler bavette avec l'auteur en lice, réagir avec promptitude à quelque idée qui l'enflamme ou — mieux peut-être — lui déplaise, les lectures exécrées étant souvent bien fructueuses, pour noircir les blancs insouillés jusque là d'une verve alors rageuse et copieusement illisible. Il lui arrivait aussi, au fort d'une indifférence passagère ne demandant qu'à s'ébrouer, de reprendre à la lettre un terme définitif pour en dévider et dévier la substance dans un élan libérateur de mine minuscule, et se l'approprier d'un seul trait.

(Roger TARTINET, L’écrituel)

vendredi 5 janvier 2024

NOMBRILLER

cyrano de bergerac édition originale 1898 (E. Rostand)

Rayonner insolemment d’égocentrisme.


A soi seul être un feu d’artifice de pute
Pour se vendre et reluire en cherchant la dispute ?
Non, merci. Nombriller tel un soleil d’emprunt
Pour éblouir le ciel d’un trait inopportun,
Et récolter ainsi les tweets épidermiques
Qui nourrissent en vain de vaines polémiques
Pour la gloire sans nom de mon nom ? Non, merci !

(Raymond de VOSTAND, Cyrano de Rudubac)


edmond rostand, cyrano de bergerac tirade des "Non, merci".

lundi 25 décembre 2023

OPINIACRETÉ


Agressivité insistante.


   Sur le caveau du ciel il y a cette ombre d'humanité qui flotte comme un drapeau en berne. Nous ne sommes que cette chose mouvante qui s'agite, affairée méthodieusement dans son opiniacreté à sa propre disparition pour penser se survivre un jour ou l’autre dans un sursaut ultime qui paraît tenir idéalement de l’absurde ; Phénix éphémère qui, pour s’éterniser à ses propres yeux, s'est inventé un Dieu tyrannique à son image, de feu et de cendre, avec un D si majuscule qu’il en oblitère précisément l’origine.

(Félix BADJOQUE, Du nom doux des dieux)

mercredi 8 février 2023

PEURDURER

peurdurer Arabécédesque (Olivier Goldsmith)


Vivre dans l’angoisse terrorisante de l’avenir.

 
Se dire incessamment qu’on existe pour être
Et prolonger de jour ce rêve en trompe-l’œil,
Sans mot dire, vautré dans un très vieux fauteuil
À regarder le temps passer par la fenêtre.

Et puis se réveiller et vouloir disparaître
À peurdurer bientôt dans la peine et le deuil ;
Et dans le rêve mort, impalpable cercueil,
L’on s'allonge vivant en rêvant de renaître.

............................................................................
............................................................................
............................................................................

............................................................................
............................................................................
............................................................................

(Théophobe ÉDELVIO, Ellergies)

dimanche 29 janvier 2023

RÉPLITIQUER

marcel PROUST, in Blog Goldsmith

Avoir la manie du dernier mot, du tac au tac, par l’usage répété d’automatismes verbaux.


   — Eh bien, mon p’tit Abimal ? vous en faites une tête ! me lança-t-elle pour de rire à l’endroit évoqué.
   — Y a pas de souci, réplitiquai-je gourdillottement, succombant à ma grande surprise aux tics de langage les plus abominables malgré mon soin à ne pas bégayer.

(Abimal BOCASTRO, La coda du botaniste)

jeudi 5 janvier 2023

SAYNISETTE

 

portrait Pierre Corneille modifié blog "saynisette"

Sketch sur un sujet scabreux.


Cet interest tousjours qu'on porte aux saynisettes
Lors que, lassé bien-tost des simples amusettes,
De l'humaine Nature on jouyt en secret
En nous deffendant bien d'y porter interest !
La raison pour laquelle on se plaist à ces choses
Est que nous en prisons les effets sans les causes
De peur de nous sentir un peu trop concernez.
Ainsi sommes-nous faits que, puant par le nez,
Nous allions en humer l'odeur nauseabonde,
Asseurez qu'il s'agit du trou du cul du monde.

(Légitimus CŒURNŒIL, Ithyphigénéithliacus)

jeudi 15 décembre 2022

TOUPÉTER

Buste  de Molière à Chambord, avec lunettes

Se conduire avec un sans-gêne, une grossièreté inqualifiable.


                        ÉTAMÈRE
Quoy ! qu'un pareil fripon vienne icy toupeter,
Avec sur le visage un air à souffleter…

                        ORGERON
Et s’il me plaist à moy que ceans je l’accueille ?
Car enfin je me dois d'héberger ce Morlœille.

                        ÉTAMÈRE
Vautré dans vos fauteuils, crachant sur les tapis,
Bientost il se prendra pour un petit marquis,
Demandant sans vergogne & l'azile & la table.

                        ORGERON
Et moy, ce que je veux, c'est de rester aimable
Avec qui pourroit bien servir un interest
Qu'il convient de garder dans le plus grand secret.

                        ÉTAMÈRE
Ma foy, tant de mystere à de quoy me surprendre !

                        ORGERON
Vous en sçaurez tantost le Party qu'il faut prendre,
Et qu'aimer son Prochain est toûjours un bienfait.

                        ÉTAMÈRE
A vostre air entendu j'en constate l'effet !
Mais ne me meslez point à vos sales Histoires
Où le plaisir confine à des vices notoires.

(Jean-Pierre MORLŒILLELa mare au lit)

mardi 29 novembre 2022

UNIFÉNO(MÉNO)RMITÉ

 

Charles Baudelaire "Fusées, Mon coeur mis à nu"

Caractère écrasant du conformisme de masse.


   Honneur et Sainteté qui caractérisent de génération en génération les grands sauvages de nos civilisations.
   Raideur empruntée. Se rengorger à tire-lariglouglou.
 Ce monde comme [démonstration] ‹représentation› de [l'unifénormité] ‹l'unifénoménormité›.
  Je ne saurais quant à moi me poster en de sottes [attitudes] ‹altitudes›. Ceux-là plissent le front et froncent le sourcil qui marbrorent ainsi quand je ris seulement de cette misère insigne de ma race.

mercredi 16 novembre 2022

VASCIER

Couper la branche sur laquelle on…


S’abstenir en buvant, c’est peut-être illusoire
Et pourtant ça le fait sans se supplicier.
Ainsi, m’évertuant à ne pas vascier,
Je ne m’arrête pas de m’arrêter de boire.


(Jean-Alphonse de LA MOUSSOLAINE, Les élancoliques)

jeudi 20 octobre 2022

Elle et Lui (Arthur Rimbaud)

ELLE

(Travail de Mémoire)



L’eau claire avec le sel des larmes de l’enfance
Blancheur nue au soleil l’assaut des corps de femme
À cru la soie aux flots portée Elle oriflamme
Où fleurit un ammi qu’une semelle offense

Ébat d’anges spectral le coulis d’air en marche
Cris d’or frais sauroraux au chiasme sourd Elle
Sombre avant la nuit claire où sa couche rebelle
Ombre de ses draps d’or l’eau saline sous l’arche

Et l’œil humide pompe à l’Olympe limpide
L’eau tiède au fond du cœur la pâleur insipide
Lavant sa robe bleue où valsent les ombelles

Fourmillement lent d’eau lasse Elle pleure comme
La mémoire infantile aux miroirs infidèles
Pour voir naître l’aube et vivre la mort de l’homme


LUI


                    Il faut lire en fermant les yeux
                    Chaque mot éprouvé qui sonne
                    Rebelle au sens et mélodieux
                    Et puis le sens alors rayonne

                    Ce qui t’échappe s’en revient
                    Boomerang faute de mémoire
                    Pour retrouver ce presque rien
                    Qui te comblait dans la nuit noire

                    Et dans l’art du demi-sommeil
                    Vêtu du plus simple appareil
                    Tu vibres au vent du silence

                    Plus rien n’existe tu revois
                    Et revis la même séquence
                    L’écho tu de ta propre voix


samedi 1 octobre 2022

AUTOMNALITÉ

Arabécédesque (olivier Goldsmith) Automne selon Baudelaire (Fleurs du mal)

Déclin nuancé de l'arrière-saison.


« Monautomne » est un mot-valise devenu facile
Pour ne plus faire voir à force de vouloir le dire,
Qui ne fait plus craquer le sol frémissant et stérile,
Ni vaciller le cœur qu’une ivresse sans vers chavire.

Mais « l'automnalité » d'un jaunissement qui jubile,
Pour quelque songe-creux cherchant quelque or pour son empire,
A le charme infini d'un bois de Boulogne fébrile
Qu'un ciel chargé de pleurs invite, révèle et inspire.

(Vivien VERVAL, Brumes et murmures)