CIORAN (De l'inconvénient d'être né, X) |
Accabler sans mesure un auditoire par un lyrisme impétueusement mesuré.
Moi, la poésie des poètes, j'ai jamais pu l'encadrer, sauf pour les parties de fléchettes. Ça finit toujours pareil « quoiqu'on die », en lamartinierde, lamartimièvrerie, alarmartiniérisme : de la larme… et du sang ! Dans un cas comme dans l'autre faut que ça coule. Patriérotisme, kif kif gros âne petit mulet ! Et allez hop ! tous en lice ! La poétocade qui revient toujours à chanter du pareil au même ! De la béatochimelvirumquéquette sans honte aucune, mais vibrature fortissime, alors là, oui, je veux ! De la vertigette orageuse qui défouraille à chiffonner la feuille pour trifouiller l’armoire ! De l’insistance coupable à chauffer la casserole ! Du tiretige pour chavirer le cagna à coups d’aragonades ! Névrituel absorbant ! Aragonuisance sonore ! Bordel canto aux ardeurs douceureuses… et en cadence, en veux-tu en voilà ! De la pure ronronflette, à n’en plus finir ! Et que ça vous aragonisse la terre entière avec des suintements d’innocence… avec des lévitations verboyantes… des vociferrances délyriques… des gloussorrhées lyrritantes… des insinuagitations pathético-trépanouissantes… des ascensions verbigineuses de mirlibole mirovolant… des vols planés vaselinoueux… des cataractes éructantes de noblesse de cœur pour versiférer du gros et du solide sur ondoiement de mers sans rivages… Écume aux lèvres et grand sentiment couinant aux commissures !… Babigroincer du prose envers et contre tout, sans aspirine ni rien d'autre à écluser qu'envagissement des hautes marées ! Et puis marécage dès lors que l'envasement est inéluctable !… Et moi, tête première dans la vague infiniment renouvêlée… à me faire encager, encaquager… à me la faire agicler surinade !…
— Mais redressez-la ! tenez-la moi plus haute, nom de Dieu, que je pisse aussi sur vos grolles !…
« Poésie faite par tous, non par un » ? Ah ! la confréerie des veaux ! Ah ! la dévotion rendue !… Fermez un peu les vannes : je m'asphyxie ! Je péris noyé !… Et pas un rossignol pour me sortir de là… Un, tout seul, tout petit, qui chanterait pour de bon, celui-là… sans chichi mélo… dans son coin… tranquille… Qui ouvrirait les serrures avant que je rue en pied-de-biche… à tout vracasser !
(Fernand BARDAMNÉ, J'irai mourir sur ma tombe)
P.-S. Mal et cri (à cru de bourrin)
Tripes nouées en ce moment, sérieusement barbouillé dans la dégoûtation du monde qui ramène sans cesse au passé dans ce qu’il a de pire (éternel centenaire) et avec toujours ce goût d’absurde à fond de gorge
Parfois cela soulage d’être étranger à ce monde quand il y a souffrance d’ordinaire à ne pouvoir décidément le rejoindre
Qu’on le veuille ou non l’ignoble destouches colle à la peau et ça fait mal, quand bien même se cloîtrer dans un cocon de liège pour faire mentir la vérité coûte que coûte en diluant le temps.
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