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dimanche 31 décembre 2017

ANDROMOMANIE

ANDROMOMANIE Nerval https://arabecedesque.blogspot.com


Compulsion ambulatoire spécifiquement masculine.


   Celui, seul, qui pense que la mère se trouve précisément où il doit se rendre pour y être à s’y voir de plus près… Et, dans l’andromomanie qui n'est que « pourfuite incoherrante d’illusiombres » où toute trace s’efface à mesure qu'il veut L’atteindre, il ne cesse désormais de réinventer son histoire en la vivant frauduleusement, comme une falsification de lui-même, par l’acte de forgerie verbomoteur qui l’entraîne toujours plus vers cet horizon informe ; asymptote estompante qui n'aura plus de nom dès lors que celui d’une disparition de soi rejoignant ainsi celle de la mère.

(Morgan NIMBUS, Le sens offert de l'invicible, construction mentale du voyage pathologique)

mercredi 27 décembre 2017

BROCHIURE

● Opuscule, plaquette, le plus souvent de poésie personnelle, imprimée à compte d'auteur.


   Cher ami, j'ai reçu la brochiure d'André Braudier. Que dois-je faire ? Je ne vois rien là d'exploitable (pour user de votre jargon) ; rien qui puisse intéresser qui que ce soit si ce n'est la crédulité de leur auteur à en espérer autre chose que satisfaction personnelle. Sachons qui nous sommes réellement et ce que nous voulons. Autant que l'on persiste, que ce soit en connaissance de cause.
   Ce vers cependant : « Les élytres en vain opposent leurs écailles »… Mais encore une fois que faire, tant il est vrai que les vers sortis de leur contexte ont un charme particulier qui les porte au-delà de leur réel mérite ? La poësie, me direz-vous, n’est-elle pas justement cette faculté surprenante des mots de prendre cette importance qu’ils n’ont pas autrement ?
   Que dire à votre Braudier qui doit être bien satisfait de son œuvre pour vouloir faire circuler cela en dehors du cercle des amis ou de la famille ? Lui suggérer de faire un recueil de monostiches ? Il en serait bien capable et nous serions à nouveau dans l'embarras de lui donner réponse et d'avoir à mentir sans avoir à le faire. Je n'ai jamais été bien courageux pour ces sortes de choses-là. À tout hazard, je vous retourne la brochiure avec ma lettre.
   Mes hommages à votre Mère.

BROCHIURE, (Ch.Baudelaire) "Arabécédesque, olivier Goldsmith"


● Lecture de garde-robe.


   Piles de revues pipolluisantes… feuillées monégogasques... cardachiasse entassée… Paperasse à potasser à pleines liasses… Toute la pipirazzia du grand luxe éphémère déballé dans l'indiscrète intimité des blancs plafonniers… Ouverture en courant d'air sur le monde… Papier trop glacé pour… Se frayer un passage parmi toute cette brochiure de salle d'attente périodiquement renouvelée pour se libérer à toutes fesses en s'encombrant l'âme par l'autre bout…

(Fernand BARDAMNÉ, Corps caverneux)

samedi 23 décembre 2017

COQUILLASSERIE

COQUILLASSERIE https://arabecedesque.blogspot.com


Erreur typographique d'une plaisante pertinence.


   Quel fut mon étonnement de trouver là cette étoffe en guise d'étoile ! et de pester tout d’abord sur ce « desprote » et ses étourderies, qui, en vertu (si l’on peut dire) de la fatigue et du faible éclairage, s'applique à enrichir sa collection de coquilles ! La dureté du métier veut cela, sans doute. Mais cette coquillasserie a eu tôt fait de me séduire pour regretter de ne pas l'avoir commise moi-même, et voir l'étoffe de la peau vaciller avec d’autant plus de force qu’une étoile ne vacille jamais que du fait de son éloignement. Ma première strophe étant bien laborieuse, pour me voir ainsi embarrassé de cette « peau de corps si beau », cela venait à occulter une maladresse dont je me rendis coupable par une autre, splendide, dont je ne sus pas l'être, rhabillant ainsi d'emblée cette nudité un peu trop convenue, je vous l’accorde.
   Pourtant, et à propos « d'occulter », n'ai-je pas déjà commis de telles coquillasseries, comme par exemple cette « robe occupant son corps » transcrit pour « occultant son corps » ? Vous vous souvenez ? Après vos observations, je me suis bien gardé de corriger… Diable ! la poësie serait-elle donc l'art enchanteur de la coquille avantageuse ?

COQUILLASSERIE, Le serpent qui danse, Baudelaire "Arabécédesque, Olivier Goldsmith"

mardi 19 décembre 2017

DODANDELINER

DODANDELINER https://arabecedesque.blogspot.com, olivier Goldsmith

Pelouse du champ de courses, Auteuil 1908.



Onduler de tout le corps. Se mouvoir d'une manière ostensible et artificielle.


   « Ceux qui prisent ces jeux de la parade abstraite », déclarait une fois notre ami Baldelario, émergeant enfin de son éternel quant-à-soi tandis que nous sortions de la rue Frochot ; et de nous quitter là-dessus avec un grand geste accompagnant le mot de « parade » comme pour en relever toute l’ambiguïté révélatrice…
   En effet, infiniment changeante en sa pérennité cyclique dans le souci d’afficher quoique collectivement une singularité d’apparence, la mode est l'art de distinguer de soi la part intime qu'on n'ose montrer à nu. C'est cette intimité secrètement livrée pour dodandeliner de l'âme avec l'imperturbabilité d'un marbre qui bouge et vient s'offrir dans une froideur lucide et calculée. Finalement, la mode vise à une certaine surhumanité ramenée au niveau du vulgaire sans jamais y consentir sinon qu'en le transformant.

(Antoine de SAINT-FLOBERGE, La tentation mise à nu)

vendredi 15 décembre 2017

ÉPOUVENTAILLER



Effrayer en agitant une lame.


CYRANO
Parigot me prenant pour le roi des gascons,
Oinguant à tour de bras pour effrayer les cons,
Partout je promenais une mine hautaine
Pour montrer ma colère et soulager ma peine ;
Gorgeur comme égorgeur pour épouventailler
Ceux que ma main rêva longtemps d'étripailler ;
Infect envers quiconque eût quelque irrévérence,
Irrévérencieux envers l'indifférence…
Et pourtant je t'ai plu… Ça, je n'y comprends rien !

CHRISTIAN
C'est que tu piques juste où ça me fait du bien,
Et tu vaux à toi seul tout un essaim de guêpes…
Allons ! n'en parlons plus, mon gros loulou des steppes !

(Raymond de VOSTAND, Cyrano de Rudubac)


Edmond ROSTAND "Cyrano de Bergerac" (Arabécédesque, Olivier Goldsmith)

lundi 11 décembre 2017

FLAJOLAMBE

Membre inférieur défaillant.


BERTHE
Je n'en puis plus d'attendre. Oüy, Seigneur, je suis lasse ;
Foiblarde, je boitille avec le temps qui passe,
Traisne ma flajolambe à vouloir dégourdir
Un cœur sur-encombré que tout vient alourdir.

ANTICHUT
Buvez donc un bon coup, Princesse trop flemmarde,
Que vos genoux pointus d'anorexique outarde
S'exercent à piaffer comme on bat du tambour ;
Et qu'en vain cacardant vous glapissiez d'amour
Pour, bullant à propos, faire le pied de gruë
Jusqu'à pisser enfin tant d'âcre retenuë.

(Jean-Rachid de CRAMPISTON, Incertitus)

vendredi 8 décembre 2017

GOUDRONRONNER

Gésir ivre mort sur la voie publique.


Nous fûmes ce jour-là plutôt lents de cerveau.
Nous bûmes il est vrai bien plus que d'ordinaire,
Et nous goudronronnions en rêvant aval-l'eau
À des vers prometteurs au sens imaginaire.

(Vivien VERVAL, Amour, vengeance et pléonanisme)

lundi 4 décembre 2017

HÉSITÂTER

Ne point parvenir à prendre son parti en dépit d’une forte tentation.


GEMAYEUR
Mes penchants dévoilant pas à pas ma pudeur,
Je veux trembler d’amour devant vostre froideur.
D’avance je m’avance & recule sans haste ;
Je tourne autour de vous sans bouger, j’hésitaste ;
Prolonge dans vos yeux mon propre embrasement
Pour brurler de desir silencieusement.

EURYCIDE
Tastez-moy pour de vray : tout mon corps le réclame,
Que je puisse à mon tour gouster à vostre flame.

GEMAYEUR
Entretenons plutost un plaisir enivrant
A ne point dévoiler ce corps en soupirant
Et, pour mieux exercer l’empire de vos Charmes,
Régnez toûjours sur moy sans déposer les armes.

(Légitimus CŒURNŒIL, Eurycide)

samedi 2 décembre 2017

IDÉALICIEUSEMENT

Dans un absolu de bonheur, un sentiment de plénitude jubilatoire.


    Je ne voudrais jamais être sèche ! songea-t-elle avec emportement. Et le cœur lui battait de penser que demain il continuerait de pleuvoir ; et tandis que la pluie devenait de plus en plus fine, cette perspective la bouleversa si fortement qu'elle remit au galop dans une suite sans fin de flaques boueuses, idéalicieusement seule et enserrée dans la certitude d'un plaisir sans partage que seule cette solitude était à même de lui fournir.

(Marquise de SANDE, Merdora)