Les deux quatrains du sonnet inachevé Damnation (Bribes) que nous connaissons tous, composés sans doute en regard de La reine de Saba (Flaubert, Tentation de Saint Antoine, L’Artiste du 21 décembre 1856, p. 21). Reine qui, semble-t-il, n’a pas non plus laissé indifférent Théophile Gautier comme on peut le lire dans Emaux et camées : « sa bouche arquée a des moues à mettre un saint au désespoir »).
Ce sonnet faisait partie de l’un des projets (avortés) de poèmes à faire pour la seconde édition des Fleurs.
v. 3, « Dompteur féroce et doux » sonne comme une réminiscence des Chats.
En l'absence des tercets, rien ne permet de penser comme Jacques Crépet (Juvenilia I, p.371) que cette pièce inachevée ait été composée en l’honneur de Jeanne.
La mise au net pourrait dater de fin 1858<1859 (Honfleur ?).
DAMNATION
Grand ange qui portez sur votre fier visage
La noirceur de l'Enfer d'où vous êtes monté ;
Dompteur féroce et doux qui m'avez mis en cage
Pour servir de spectacle à votre cruauté ;
Cauchemar de mes nuits, Sirène sans corsage
Qui me tirez toujours debout à mon côté,
Par ma robe de saint ou ma barbe de sage,
Pour m'offrir le poison d'un amour effronté ;
Vous par qui je deviens ce que je ne veux être
Et me connaissez mieux que je puis me connaître,
Qui dois-je fuir en vous, ou de vous ou de moi ?
— Allons ! puisque après tout ce feu qui me taraude
Me donne à résister pour éprouver ma foi
Tout en satisfaisant le cher ange qui rôde !