Hérodiade (Paul Delaroche, 1843) |
Feu intermittent de signalisation maritime semblant clignoter au rythme de la houle.
Ah ! Joséphine, vous ne m'aimez pas… et vous le devez ! car je sens bien que vous devriez me haïr franchement. Et quand je dis que vous ne m'aimez pas, cela résonne autrement mieux que toutes ces fadaises convenues que nous haïssons vous et moi. Haïssez-moi donc en ce que je suis censé représenter pour vous d'ennuyeuse impertinence. Ôtez de moi cette image odieuse de moi-même en me la jetant au visage. Haïssez-moi, je vous en conjure ! que je puisse vous aimer comme ces grands lacs transparents, purs miroirs de nos éphémères reflets, qu'on frôle fiévreusement avec ce respect dû aux idoles ! Oui, venez à moi telle que vous êtes, maîtresse avant tout de vous-même, ma bien chère amie, Béatrix, reine des splendeurs inaccessibles, pour m'entourmenter d'un éternel tourment, et de l'opulence de votre toilette lorsque celle-ci me soulève comme la houle d'une mer enivrante, capricieuse et glaciale ! Ah ! Joséphine, ma Béatrix, modèle achevé de perfection, laissez-moi vous aimer tout d'un bloc ! Ne deviendrez-vous donc jamais ma bien belle camarade ? J'aimerais tant ne pas vous laisser me fuir sans voir tournés vers moi vos grands et larges yeux tout chargés de mépris pour élever à l'immortel un beau rêve de marbre ! Ah ! ne jamais perdre de vue dans une nuit scintillante d'étoiles amoureusement dévouées la coruscansion lancinante et muette de votre omniprésence comme le témoignage inextinguible d'un amour obstiné!