Passer plus de temps en mer que sur terre.
Les montagnes, ça monte et ça descend. On a beau glisser, on fait du surplace alors que dans la tête on n'arrête pas de fuir à l'horizontale, et même au sommet on continue de lever la tête vers le ciel récréé par la traînée blanche des avions, ces panneaux indicateurs. Chercher abri, trouver refuge jusqu'à ce qu'enfin on finisse par s'échapper pour de vrai à force de se faire rouler, pour rouler tout de bon en dévalant de vallée en vallée. Alors on avalanche, quitte à se faire mal, torrent boueux de toute la crasse immaccumulée des neiges stupidement éternelles, pour retrouver embruns, grève, vague et mouvement, loin de ce plissement terrestre pétrifié dans son imbécillité minérale. Et puis on s'échappe encore de peur que ça nous rattrape, la terre à caillasse. Alors on y va, on se laisse embarquer, on kenavogue à toutes voiles, à toute vapeur, moustache d'écume à la proue de la Blanche Hermine, l’œil battu par les flots et un compas dans la tête pour embrasser l'horizon.
Il n'est pas de rigueur qui tenaille autant qu'une autre pour peu qu'on l'ait choisie. Le tout est de trouver à souffrir différemment pour souffrir un peu moins.
(Sisyphe MAZROCHE, La grande vadérappe)