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Luciano Berruti ©2014 L’Eroica - Ciclismo d’Epoca SSD
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Dernier degré de la fanitude.
Le Fabuliste se voulant Coursier.
En ce jour, je suis las de mon pérenne employ
Et je veux retourner la plume contre moy.
Ne suis-je point moy-mesme un Animal à Fable ?
Vous l’allez voir icy, la chose est admirable.
Un peloton souvent volant devant chez moy
Me causoit à la longue un cruel desarroy.
Bien qu’ayant sur ce poinct une idée assez flouë,
Je resvois à mon tour d’aller prendre la rouë.
Il me manquoit pourtant, digne de mon fessier,
Un de ces beaux velos plus carbone qu’acier.
Donc je m’offris l’engin, fascinante merveille
(Stupidiolatrie à nulle autre pareille !)
Je joins la troupe enfin, plein d’ardeur & de bluff,
Les muscles frétillant sous mon cuissard tout neuf.
Mais, à tourner braquet comme trois cents hélices,
J’amassay du lactique avec mes pauvres cuisses
Pour exploser bien-tost au premier coup de cul.
Ainsi, completement largué, cramé, fourbu
D’avaler autant d’air en moins d’un kilometre,
J’entrevis tout mon lot de Coursiers disparoistre
Dans la sérenité de l’Orizon champestre.
Alors tout en sueur, les yeux pleins de Soleil,
Je ramay, pathetique en mon fier appareil,
Pour retrouver chez moy desarroy puis sommeil.
Il est toûjours fatal de succomber trop vite
Au prompt desir de vivre un resve sans merite.
A qui sçait bien resver, resve vient à propos
Pour le vivre au réveil toûjours frais & dispos.
(Jean LAFONTENERRE, Fâbleries)