Rechercher dans ce blog

vendredi 30 juin 2017

FLAGADAGIO

(mus.)

Mouvement tranquillement lent et paressant interminablement.

(SYN. Langsamorph)

Il fallait bien, après un pareil allegro,
Souffler un brin avant l'injouable presto.
Mais ce flagadagio me ravit à l'extase
Pour en éterniser le tempo par l'emphase.

(Vigor CRACKMARINOV, Tempesta di minuetto)

jeudi 29 juin 2017

GRAVITI

Slogan tracé en creux sur une matière dure à l'aide d'une pointe et détériorant l'espace public sur une matière importante.


L'âme c'est ce qui reste du corps quand on n'a plus envie de pisser
(Graviti toilettes SNCF, 1996)

(Aigledor FORCEDEL, Épigaffes et gravitis)

mercredi 28 juin 2017

HÉLASSER

Saturer de jérémiades.


Britanoraque vient. Je luy laisse ma place
Si vous ne craignez pas qu'un tel sot vous helasse ;
Mais je sçay desormais que pour se faire aimer,
Mainte plainte poussive est promte à vous charmer :
Dés demain je me trouve une doudoune rose,
Et je reviens icy gemir en virtuose.

(Jean-Rachid de CRAMPISTON, Britanoraque)

mardi 27 juin 2017

INCOMMONUDITÉ

Malaise intense du fait de paraître dévêtu devant les autres. ●Crise d’angoisse interprétative dans la certitude irrationnelle que les personnes en présence lisent dans les pensées.


   Dès que Madeleine se redressa clés en main, je fus pris d'un accès d’incommonudité à la mesure de ma décontenance, persuadé qu'elle remarquerait l'érudécence progressive de mon visage, et le front bientôt brillant d'une stuporisation ô combien évocatrice d'intentions malsaines – quoique involontaires – à son endroit, et que j'allais devenir pour elle ce monstre d'indélicatesse, l’incarnation même de la mâle abjection. Sentant alors ma tête se vider de toute matière, je me pris à jouer machinalement avec mes propres clés dans l’espoir vain de n’en rien laisser paraître, au risque de les faire tomber à mon tour et d'ainsi m'exposer, dans l’obligation d’avoir à les ramasser, à une contre-plongée irrévérencieuse autant qu'irrépressible, hautement préjudiciable à nos relations jusque là cordialement inérotisées – et puisque je ne pouvais pas fermer les yeux sous le seul prétexte de ramasser mes propres clés à mon tour sans que cette fois elle ne se doutât de quelque chose (quoique les yeux clos puissent se justifier par la formulation orale d'une pensée profonde et sincère mais dont, bien entendu, j’étais incapable sur le moment) – ; contre-plongée dont l’angle par trop avantageux de la perspective du point de vue d’un observateur peu scrupuleux n’eût pu susciter dans son âme sensible qu’affreux soupçons ; car les hommes, pour l’essentiel (et, à mon grand désespoir, j'étais forcé d'admettre que j'en étais un, tout au moins dans l'apparence, – et, qu'en un tel instant, cette autre perspective d'appartenir à une telle espèce me répugnait à l'extrême limite du mal-être), sont ainsi faits de nature, fussent-ils d'une intelligence supérieure, grossièrement schématiques dans leurs manières de penser – si l'on peut dire – et d'agir dès lors que l'opportunité prometteuse de certaines femmes leur vide la tête du fait de l'éloquence irrésistible et jugée altière de leur fessier. Ainsi, tandis que broyé par l’engrenage de mon imprévoyance un tourbillon sans fin m’entraînait dans les sinuosités labyrinthiques d’un développement paroxystique incontrôlable et précipité, ma tête achevait de se vider comme une baignoire de l’eau usée dont elle est fatalement dépositaire (de même qu'à cet instant je pensais l'être de toute la saleté du monde), dans un glouglou évocateur tant d’avide inconsistance que d’indisposition culpabilisante appelant aux plus urgentes expiations de mon faible intérieur.

(Abimal BOCASTRO, La coda du botaniste)

lundi 26 juin 2017

KENAVOGUER

Passer plus de temps en mer que sur terre.


   Les montagnes, ça monte et ça descend. On a beau glisser, on fait du surplace alors que dans la tête on n'arrête pas de fuir à l'horizontale, et même au sommet on continue de lever la tête vers le ciel récréé par la traînée blanche des avions, ces panneaux indicateurs. Chercher abri, trouver refuge jusqu'à ce qu'enfin on finisse par s'échapper pour de vrai à force de se faire rouler, pour rouler tout de bon en dévalant de vallée en vallée. Alors on avalanche, quitte à se faire mal, torrent boueux de toute la crasse immaccumulée des neiges stupidement éternelles, pour retrouver embruns, grève, vague et mouvement, loin de ce plissement terrestre pétrifié dans son imbécillité minérale. Et puis on s'échappe encore de peur que ça nous rattrape, la terre à caillasse. Alors on y va, on se laisse embarquer, on kenavogue à toutes voiles, à toute vapeur, moustache d'écume à la proue de la Blanche Herminel’œil battu par les flots et un compas dans la tête pour embrasser l'horizon. 
   Il n'est pas de rigueur qui tenaille autant qu'une autre pour peu qu'on l'ait choisie. Le tout est de trouver à souffrir différemment pour souffrir un peu moins.

(Sisyphe MAZROCHE, La grande vadérappe)

samedi 24 juin 2017

LÉAUTAUDIS

Léautaudis chats perdus https://arabecedesque.blogspot.com


Logement précaire rendu insalubre par assiduité de chats non stérilisés.


Mordu d’intérieurs au parfum littérare,
Je me voyais bientôt dans mon léautaudis
Dispenser en feulant, diversement barbare,
Le suc inaugural de mes salmigondis.

(Alcidias GRALIVON, Les moisissures)

vendredi 23 juin 2017

MORMENT

Instant fatal entre tous.


   On médite toujours ce qu'on redoute avec une horreur curieuse irrésistible qui pourrait tenir lieu de passion. Ainsi, plus encore que la naissance parce qu'inaccessible, la grande expérience du morment comme une éclipse annoncée. Encore faudrait-il avoir la certitude qu'elle puisse être vécue pleinement dans toute l'intensité de sa crucialité pour ne pas avoir l'impression de vivre dans une attente sans objet avec le sentiment d'avoir décidément tout raté.

(Stanislav RASIDORT, Affaiblismes sarcasmatiques)

jeudi 22 juin 2017

NOBLATIF

Qui fait montre d'excessive abnégation dans l'exercice de la charité.


   Longtemps, je me suis enivrée de vertu. Forte dans ma généreuse solitude de cette privation salutaire sans être noblative, l'esprit charitable pétri de la commisération la plus sincère, je fus cette jeune femme splendide de vertu réfléchie, à la modestie clairement affichée, d'une sensibilité délicatement exacerbée, se livrant parfois aux délices profondes de la méditation ponctuées de rêveries récréatives quoique honnêtes ; l'âme suffisamment formée pour éprouver les chastes pénétrations de cet altruisme imposant avec bonheur à l'être qu'il étreint l'abstinence des égoïsmes avilissants, et à même de nourrir au fond des yeux la flamme d'une béatitude promise dans l'endurante patience de l'acte quotidien.

(Bertranne de X, Mémoires d'une enfant gâtée)

lundi 19 juin 2017

ONIRIDESCENT

"ONIRIDESCENT" Baudelaire  Honfleur, Le Butin https://arabecedesque.blogspot.com

Honfleur, Le Butin.



Qui produit des reflets multicolores semblant irréels.


Deuils oniridescents d’une vapeur marine,
Chargés d’ombre et d’acier ; océans éthérés
Pour diluer la terre en enflant la narine,
Comme une eau de Boudin aux ciels enchevêtrés.

ONIRIDESCENT,  Charles Baudelaire  "Arabécédesque, Olivier Goldsmith"

samedi 17 juin 2017

PALPIER

Feuille blanche ou déjà imprimée qu’on manipule sans cesse.


Je palpe le blanc du papier. Je froisse le blanc encore neige. Je l’écorne, de hâte de l’incarner. Je le réchauffe. Je me prépare. J’apprête le palpier. Je suis extérieur au palpier. J’en touche un mot avant même. J’expresse, de hâte d’en textuer. D’entexter le blanc amolli du palpier. De donner texture au palpier pas encore texté. Au blanc à casser. Je suis texpressé. Appuie sur le palpier. Imprime la pression qui m’est propre pour le saloplier. Je me presse sur la page offerte. Déploie ma panoplie à l’encre encore pêle-mêle. Me hâte d’appuyer de tout mon poids sur le palpier. À soumettre. À résister au poids de textualiser. À promettre à blanc perdu, à blanc typothétique. Palpier à s’offrir enfin. À souffrir à ma place.

(Taxile CRISTOS, L'objet d'écrire)

vendredi 16 juin 2017

RONDÉO

Forme musicale agitée alternant variations chromatiques et rythmiques. Le morceau lui-même.


Cavalcadence à cru qui danse, caracole,
Scherzoïde chahut, si virtuosément
Le rondéo cabré se cambre, cabriole,
Hainamouré tantôt et tantôt véhaimant.

(Varius STRABINSKIN, Les onomades)

jeudi 15 juin 2017

SOUTÉLASTHANNE

Long habit ecclésiastique en tissu extensible.


   Monsieur le curé m’abandonna près de l'autel pour reconduire cette vieille bête de biglote au regard de vautour, puis il revint à moi en remontant élégalement l'allée centrale, karlinement souple et félin dans sa soutélasthanne cinq poches à braguette zippée. Alors qu'il ne me quittait pas des yeux, je me sentis peu à peu prise au piège, proie attendrie par la bienveillance charismatique d'un regard dur d'intransigeance doctrinale. Enfin, avant qu'il m'ait rejointe, et comme pour me recevoir en son sein, il éleva vers moi ses deux mains nerveuses et onanistiques dans un geste liturgique tandis qu'au-dessus de nous, prisonnières des voûtes, des hirondelles tournoyaient avec des cris aigus d'enfants.

(Zoé ZANTAILLE, Les naïvetés feintes)