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vendredi 23 mars 2018

TIMIDIOTIE

Bévue insignement commise sous l’effet d’une inhibition.


Ah ! j’ai déraisonné sous votre propre toit :
Ma timidiotie est-elle donc injure,
Et suffoqueriez-vous de haine à mon endroit
Tant je vous vois prouter du bec dans ma figure ?

Je suis gauche, il est vrai, d’être aussi maladroit,
Mais mon esprit se fige ainsi qu’un long murmure
Face à de fins esprits un peu trop à l’étroit,
Dès lors qu’il faut prouver qu’on a de la culture.

Veuillez m’en excuser… (Maintenant j’ai besoin
De m’absenter : je dois aller au petit coin,
Loin du regard de tous pour soulager mon âme ;

Que, seul avec ma honte et tiré le verrou,
Aux épreintes sujet, impuissant et infâme,
J’essaie un tant soit peu de passer par le trou.)

(Jean-Barnave de LAMAISON de FIÈVREDOR, Les Épreintes)

mercredi 21 mars 2018

UTOPURISTE

Visionnaire aveuglé par l'application rigoureuse de ses illusions.


   À jamais pris dans les filets de nos vieux mirages, utopuristes déglingués, alcesthètes en cours de déjante, nous nous évertuons encore à faire quelques bouquets de nos fleurs fanées, sachant pourtant que nous n'aurons plus cet opium voluptoire qui nous offrait le silence apaisant de la nuit dans la fureur même d'un déboussoleil à vivre toujours plus.

(Samuel MORDOGUE, Mort-aux-rats)

lundi 19 mars 2018

VAPAPOTER

Débattre en fumant sur les méfaits du tabac.


   Grisébloui de calvagnard, j’entrai dans l’antre enfumé en titubant de plus belle comme un aveugle qui panique à la surmalvenue d’une pierripétie achoppressante. Le fait est, j’eusse impitoyablement zébré d’une canne blanche cette pénombre lapédifiée d’embûches imprévisibles, vide devenant indivisible où quelques individus séant sinon séants vapapotaient brouillardemment, et dont l’apparente inertie, que semblait appesantir l’exiguïté environnante, torporait le ronronnement des phrases accumulées céans, pareil au piaffement absurde et bovin d’une monotonie accablante d’inutilité.
   Aussitôt je sentis mon front s’halituer haïssablement et mes vaines amblyations bientôt suffoquées ne parvinrent plus à me fournir l’air dont j’avais plus que jamais besoin, fût-il brûlant.
   T’assis-là, m’initia un gros brun accroupi en me tendant un paquet de blondes ouvert, – et faisant visiblement effort pour maîtriser un français irréprochable –, tandis que les goélands continuaient stupidement d’égosillonner la ville et le port.
   Ectoplasme chancelanté d’un brusque vertige à la pensée qu’il n’y avait alors plus aucun sens à quoi que ce soit dans tout acharnement manifeste à exister, jusqu’à la ruine de l’expression même, je m’exécutai maladroitement au risque de piétiner incongruellement mainte main.
    Il est parfois des moments où la sensation d’asphyxiante vacuité de notre insoutenable épaisseur fait naître étrangement ces îlots parfumés d’un improbable eden, intelloquai-je sitting in d’une percée pessoasienne élucidante, et dans l’élan d’une désinvoltige déléthèrement subtile pour tenter de dissimuler le sentiment nauséeux d’égarement qui continuait de m’envahir.
   « Le rêve ! » m’empressai-je d’extessiturioriser en déclinant l’offre pétunière, et plaisanteriant jusqu’au fausset comme je sentais l’épaisseur d’un silence circonspectral dubitâtonnant se refermer peu à peu sur l’involontaire solennité de mon abstruisme, de sorte qu’à bout d’ambitus je replongeai dans son bouillon protozoairien primordial l’ambiance pétunifiée que j’avais interrompue par l’incontinente saillie de mon embarras.

(Keno SAKAMO, Pizzigratti)

mardi 13 mars 2018

Déserts (Arthur Rimbaud)

déserts" arthur rimbaud arabecdesque.blogspot.com



DÉSERTS


   Ô fantômes ! Esclave de mes lourdises, qu'on me jette aux orties ! Et le sang du monde refluera vers ma tête à battre la charge. Ah ! que mon désert s'en ressente ! — Désertion ! Ogresse affamée aux lueurs de l'auberge, l'épuisement guette sa proie et j'irai m'affaler sans le sou.
   Avant, fog immense des cités qui m'octroyait l'ombre apprise des rêves, et les regards de terreur que la nuit énervait pour me confondre. Opprobres souverains ! Aux bauges tourbillonnaires où tu te prélassais, frère d'infortune, je n'irai plus car l’exil se nourrissait de ta sève.
   Or bientôt l’aube fut pointe, yeux portés aux larmes sans faconde qu'une ivresse muette. — Et, dans la pâleur du ciel transi, dans mon habit d'acier emprunté aux pôles, je guettai un soleil farouche pour le nourrir de mes dégoûts.


HIATUS

   Soleil, j’ai embrasé l’aube d’été. Alors
   J’ai levé un à un les voiles de l’eau morte
   Et marché bras ouverts de mon immense corps
   Jusqu’au midi, jusqu’à ce que la Nuit m’emporte.


   Sang parcouru d'antiques fleurettes, vieilles hantises… Oh ! Léthé parfumé des profondeurs vertueuses, j'embrasse ton courant ! Plus tard seulement, — comme dans une fête, — le sel mordant de la peur se changera en rosée loin des ricanements sales au fracas rhythmique des sabots, — et, dès lors, aux heures vaporeuses des ornières, loin des pas de la foule qui déchiraient les fausses Nuits d'été.


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mercredi 7 mars 2018

AVENTAUTURIER

Explorateur du grand large. Écumeur insatiable des mers.


   Texte en tant que tel. Jusqu’à l’insensibilité. Pourtant on s’y épuise en y puisant, en y pêchant, en y piochant dans un océample de pages encrées de signes repléthoriques, aux déhanchements de vagues parfois scélérates ; nous, naviglecteurs instatiables, à hisser sur le pont tout ce qui peut combler nos propensions potomanimales ; nous, squalligauteurs dévorauteurs d’ôteurs détourrés au cutteur de survie à fins de vœracité, à tire-larigoûter toute la mer dans nos dégueuloirs pour la rejeter à elle-même dans un fretintamarre d’ambiguïdées frétillantes allant grossir le flot déjà nourri de la voluminosité paraphrasante ; nous, les emmerdeurs féconds qui tant s’étendent, entés de grosses pattes à trémail aux ongles noirs ancrés dans la chair de la poisse ; aventauturiers désarmés que tout rivage effraie qui soit censé sensé selon l’usage contimental déterminant depuis des lustres le cap à suivre des idées, la position des lignes imposées ; nous pourtant, erremites avides de sens et d’écume dans l’obstination à mettre terme à l’ouvrage de vivre en horizons connus.

(Lucas TOMBOURREAU, Ces vieux parnassiens sont exquis)

samedi 3 mars 2018

BAZARMONIE

BAZARMONIE (photo Ben Thouard) https://arabecedesque.blogspot.com

Photo : Ben Thouard



Premier jet non structuré d'une composition musicale prometteuse.


Sur un clavier géant je cherche à découvrir
Ce que va révéler cette bazarmonie ;
Garder l'eau de la vague au moment de mourir
Lorsqu'elle s'en retourne à la cacophonie
Pour m'accorder la vie et la soif d'avenir.

(Pierre-Nicolas JARRETTE, Moodelettes)

mercredi 28 février 2018

CHIMÉRYONIRISME

chiméryonirisme  GIF Pont au Change : animation (1854) https://arabecedesque.blogspot.com

Pont au Change : animation (1854)




Visions célestes fugitives mais prégnantes.


Ciels pleins d’illusions tendus d’horreurs marines
Où tout rêve éreinté se mue en cauchemars ;
Spectre multiplié des troubles origines
Où chiméryonirisme engloutit les regards...

"Chiméryonirisme",  "Arabécédesque, Olivier Goldsmith"
Comment se fait-il que moi, qui ai toujours eu dans l’esprit et les nerfs
tout ce qu’il fallait pour devenir fou, ne le suis-je pas encore ?
(CB 08 janvier 1860)

vendredi 23 février 2018

DÉVIERRER

DÉVIERRER Voilier (https://arabecedesque.blogspot.com)


S’écarter toujours plus du droit chemin, du cap à maintenir.


En se créant un but qu’on n’imagine pas,
Sans savoir on fait sens à l’ininterprétable
Pour mieux, dévierrant, réinventer l’instable,
L’absurde surdité du vent et du compas.

(Simon DIEUTZ, Avant Dieu)

mercredi 21 février 2018

EMPÉTRI

Fortement influencé par un environnement absorbant.


J'étais au fond du trou, la mer me distrayant
De pays inventés d'un houlement de hanches ;
Et je m'aventurais, halicte bégayant,
Dans des profondeurs d'eau ceintes de pertes blanches.

Bourlinguiste empétri d'origines sans fin,
Criblé par le silence où finit tout voyage,
J'éprouvais mot à mot, ivre crêve-la-faim,
Un sol vague et noyé comme ultime mouillage.

Empétri, Arthur RIMBAUD "Arabécédesque, Olivier Goldsmith"

dimanche 18 février 2018

FURIBLONDE

Bière forte de faible qualité dont la consommation entraîne une dégradation de l’humeur et du comportement.


   Un petit régime sportif au pinard me fera grand bien tant cette furiblonde m'a démoli le cerveau ces derniers temps. Il faut que je reparte sur des bases saines, ne plus sentir ce roulis infernal dès que je tangue de travers, ou le crois-je. Ce qu'on peut croire d'ailleurs importe peu tant qu'on sait encore ce qu'on a dans le verre. Une route à suivre qu'il faut s'imposer : marcher droit pour mieux tanguer à sa guise et ne plus essuyer ces brusques coups de vent quand la météo intérieure se dégrade par temps difficiles. Ainsi un bon marin marine mieux dans un jusant de raisin en raison d'un cap à suivre sciemment pour éviter de subir ces spumonstruosités qui font déborder la tête au-delà de l'entendement.
   Et là, me répéter chaque fois que ça cogne méchamment, et qui fait flotter sans même capeler brassière : « C'est plus facile de mourir que de vivre ». Alors l'écume prend moins cette importance impétueuse qu'elle a toujours quand elle révèle l'énormité de l'océan pressenti sans fond de ce verre devenu depuis lors tempétueux.

(Icare NÉPHÉLIOBATE, J'irai revoir ma Sudmandie)

mercredi 14 février 2018

GRONDOIEMENT

Tumulte torrentueux.


Impossible la nuit de trouver le sommeil
Tant le grondoiement sourd de vivre me submerge ;
Tant l'heure au ralenti dans le corps est pareil
À la force des flots qui dévorent la berge.

(Théophobe ÉDELVIO, Ellergies)

lundi 12 février 2018

HEIMATELOT*

HEIMATELOT (Ran ORTNER : Oil on canvas) https://arabecedesque.blogspot.com

Ran ORTNER : Oil on canvas.



Marin parcourant inlassablement les mers dans l'incapacité de se fixer sur terre.


   Toujours avoir l'air de savoir où l'on va sans savoir où l'on va. Quête sans fin de l'impossible terre qu'on se promet d'atteindre, nous, nuages informes traversant les mers dans la mobilité de leurs immuables métamorphoses.
   L'incertitude est motrice, crée ce mouvement qui paradoxalement nous détermine. Cette nécessité d'aller de l'avant parce que rester c'est la fossilisation. Ce besoin de la mer à embrasser dans le fantasme d'une terre probable. Mer, parce que c'est là sans y être. Il n'y a pas d'endroits précis. C'est partout l'endroit, toujours. C'est du lieu qui n'arrête pas comme la terre qui nous ancre dans l'oppression de l'asphyxie, et dont le creux sombre des vallées, dont les pentes rocheuses et les crêtes neigeuses sont le cauchemar vécu.
   Mais nous sommes des humains. Nous ne sommes pas des poissons, nous qui déchantons de n'être pas non plus des oiseaux ; nous, les heimatelots que la terre travaille, laboure intimement sans jamais nous arrêter. S'arrêter c'est chavirer sur terre. Pour nous, la mer, c'est l'obsession de la terre quand la terre nous travaille dans la sollicitude de l'urgence. Pour que la terre nous laboure il ne faut pas que nous y restions et nous sommes faits pour la terre. Pour que la terre continue sans cesse à nous travailler, il faut sans cesse aller au-devant d'elle jusqu'à ce que s'y fixer devienne une impossibilité de vivre. Espace à penser pour les poumons, pour sentir à quel point nous sommes passés par là, à ne plus savoir où.

(Sisyphe MAZROCHE, La grande vadérappe)