Nautisme mouvementé par mer formée.
Il n'y a pas de mauvais marins : il n'y a que mauvaise mer quand la mer est mauvaise. Nous nous répétions cela pour nous ragaillardir car, ce jour-là, nous minimisâmes avec suffisamment d’ampleur le courroux de l'immense marâtre – d’habitude si placide – pour nous conforter dans l’assurance vague et tragique de ne plus jamais revoir la terre ferme, d’autant qu’avec nos quelques biscuits mouillés il nous restait peu de chance de survie.
Désormais le carré était envahi par plusieurs centimètres d'eau qui répandait dans un chahut des plus alarmants divers objets expulsés de leurs équipets, et ce petit rien tonitruant s’associait au tintamarre établi comme à seule fin de bouleverser toute âme un rien sensible pour nourrir l'imagination d'images plus catastrophiques les unes que les autres ; visions épouvantables de tous les naufrages réunis en un seul lieu, et que ce yoyachting illustrait alors avec une si poignante vérité. Il suffit, sous pluie battante, d'un empannage intempestif manquant nous décapiter de peu, suivi d'un départ au lof tout aussi pertinent, pour achever de nous mettre dans le bain, et que, mal remis de nos émotions, dans une prise de ris plus que hasardeuse malgré notre grande expérience en la matière par temps calme, toutes les voiles se mettent à claquer en tous sens comme des furies cherchant à mettre leurs robes en lambeaux, pour sentir ainsi monter cette angoisse inavouée d'avoir si soudainement une vie à perdre alors que nous étions juste là pour nous divertir, à deux pas (si l'on peut dire) de la côte, et ce uniquement parce que nous nous sentions dans l'impossibilité de la rejoindre sains et saufs.