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samedi 26 mai 2018

DÉFENESTRASCENSION

Sensation cauchemardesque de chute sans fin.


   Toutes ces têtes monstrueuses, détonantes de lumières atroces, viscérébrales. Ces grimaces, ces cris silencieux dévidés dans une nuit sans issue. Multêtude si vite envahissante, bientôt vomniprésente, émétêtique : vomi fluide de mon ventre de plomb. Gouffre sans cesse en tous sens. Et moi, au bord de quoi que ce soit jouxtant l’horreur. Torture de chaque instant où tout bascule enfin, dévisse-verse à l’envi multiplié : défenestrascension univercéleste, nuit au jour mêlée. Et mon vomi sur les figures de chacune : fard hideux. Gouffre intense, tonneau spéléagique, danaïades, danoyade. Tomber des nues à poil dressé. Et les étoiles de leurs yeux chavirés qui ne cessent de me FIXER.
   Toutes ces têtes affreuses, j’aurais tant voulu que ce soit moi pour m’en débarrasser.

(Rémi CHAUWDLER, Je prends de la drogue pour qu'on le sache)

mercredi 23 mai 2018

ÉCRISSER

"écrisser"  Charles Baudelaire "Arabécédesque, Olivier Goldsmith"


Produire le bruit caractéristique d'une plume d'oie sur du papier.


   Acier contre papier : quel divorce éclatant ! La plume d'acier n'écrisse pas. C'est un talon aiguille pour faire se tortiller la pensée qui voudrait bien courir ; un poignard pour meurtrir le papier, égratigner ce qu'on veut dire pour n'être plus qu'un exercice banal de gratte-papier, quand il n'est pas bancal. Il semble bien que la plume d'acier ne soit douée d'aucune vertu d'invention. Ce qu'elle grave doit l'être déjà dans la tête. Et puis il y a là un bruit d'écrire que je ne reconnais plus, qui désarçonne. C'est une autre manière d'écrire que je ne maîtrise pas.

"écrisser"  Ch. Baudelaire "Arabécédesque, Olivier Goldsmith"

mercredi 16 mai 2018

FOSSILENCE

Trace imperceptible et pérenne d’une origine lointaine.


   Étincelle éteinte. Néant d’éclat qui remplit l’âme, – ce vide en nous, miroir du ciel. Écarquiller les yeux sur ce reliquat de l’inaccessible dans la vertigineuse sentimmensité de notre regarement puisque nous nous éloignons précisément du point crucial de la plus haute – « hot » – naissance. Éjextase nauséeuse de ce faux silence ; assourdissement abyssal des pas perdus dans la neige immaculée d’une nuit toujours grandissante… Indélébilité de ce fossilence par lequel, angstrommes d’un instant, nous savons peut-être sans le savoir.

(Stanislav RASIDORT, Méchantillons métaphysiques)

vendredi 11 mai 2018

GRINGARD

Néo-féminisme "Gringard" (Olivier Goldsmith)

Casse-cœur casse-pieds.


Sus au masle, mes Sœurs de par toute la Terre,
Qu’une faim léonine au croc régalitaire
Confonde sans retard en leur chair & leur sang
Le siffraidi gringard au sénile impuissant ;
Que nous puissions ainsi, nourrissant notre lutte,
D’un phallus oppressœur précipiter la chûte !

(Jean-Rachid de CRAMPISTON, Andromec)

mardi 8 mai 2018

HUMORISQUER

Se hasarder à des plaisanteries douteuses.


CHRISTIAN
Je compris un peu tard que mes mots firent mouche
Et regrettai bientôt d’avoir ouvert la bouche,
Redoutant qu’il ne vînt lever cent émouchoirs
Pour transformer mon pif en usine à mouchoirs.

LEBRETTEUR
Etouffez quelque temps vos feux dithyrambiques
Plutôt que d’attirer la foudre par des piques. 
A des jeux moins risqués allez donc exercer
Vos talents.

CHRISTIAN
                          Mais, mon cher, j’étais loin de penser
Qu’à plaisanter ainsi sur un nez de gorille
L’humeur déshumorise au point qu’on courrouspille !

LEBRETTEUR
Dame ! sur un tel nez gardez d’humorisquer
De crainte qu’il ne vienne à s’en étoffusquer !…
« Nez de gorille » !… Quelle autre injure est moins pire ?

CHRISTIAN
Et pourtant…

LEBRETTEUR
                             Justement : pour lui, pince-sans-rire
A tête de litote incline à son billot.

CHRISTIAN
Quoi ? si peu d’hyperbole et le prendre si haut,
Pour ne jamais flairer de trait inadmissible
Sans qu’insensiblement il s’en sente la cible !

(Raymond de VOSTAND, Cyrano de Rudubac)


"HUMORISQUER" ROSTAND "Cyrano" (Arabécédesque, Olivier Goldsmith)

mardi 1 mai 2018

INDENSITÉ

Degré sensible d’activité présupposant l’ampleur d’un phénomène.


   Cependant, au fil d'une lecture hésitante, il finit par se diluer dans une suite devenue infinie de phrases dont il ne demeure souvent que le chant succédant à celui de la page tournée, et dont le déroulement ouvre un champ de possibilités inaccessibles à mesure que, d'instant en instant, il y prête l'attention requise. Ainsi la moindre page offerte finit toujours par lui échapper à mesure qu'elle se consume à ses yeux pour l'entraîner vers un ailleurs indescriptible dont il pressent à tort qu'elle en est l'unique source (souvenirs sitôt lointains, nuages déformant l'espace un moment circonscrit par l'œil qui le cadre en instantané, avant que ses yeux ne se détournent secrètement — pour imprimer en lui la trace au décor empruntée — vers un point virtuel de fixation, croit-il, mais qui se floute aussitôt qu'il le fixe : aveuglement progressif dans le dédoublement, strabisme parélique, lumière résiduelle se métamorphosant en pensée diffuse dans le flux chimique qui le parcourt. Puis profondeur crépusculaire devenant vertigineuse à souhait dans l'avidité nauséeuse de sens, mais dont la moelle essentielle s'effrite aussitôt qu'il s'y trempe…). Alors c'est tout un texte rendu à une étrange opacité, semblant de parodie quasi simiesque dont le gris typographique, révélateur d'une substance complexe et précieuse — et dès lors qu'il s'en écarte —, se fait patchwordonnance avec cette indensité remarquable des étoiles lointaines. Forêt de symboles et de signes (condensité palimpseste ramenée sans cesse au foyer de son origine perpétuellement fécondable) dont la cabalisibilité l'invite à cette diffraction attentive, minutieuse obliquité de laquelle le sens appréhendé fuserait tel un objet distinct du massif hors-de-mots. Dès lors son intégrité se voit malmenée par un compost textuel compacté, ébranlée dans un clair-obscur où la lumière ascendante affleurerait, deviendrait étoile persistante, terme d'une aveuglée furtive se prolongeant sans fin dans un cadre strict au sein duquel il définirait le sien, cette trame labyrinthique singularisée en un seul organe, pencéphale au genre aboli et dont la fissure de rolando ne serait plus que cicatrice, vestige devenu bientôt nostalgie d'une muraille demeurée jusque là infranchie.

(Philéonce LUSTRICAR, Trame)


Sollers lustricar "indensité" Arabécédesque "Olivier Goldsmith"

mardi 24 avril 2018

JURACIRQUE

(n. m.)

Grosse plaisanterie à propos de dinosaures.


   SCHWARZSPIEGELSATZ : Pour ce qui est de la disparition durable de vos… dirions-nous… « états d’âmes », madame, afin de juguler en toute viabilité cette susceptibilité excessive et cette suggestibilité associée à une « suractivité posturale tyrannique », je vous prie de croire que tout est – en théorie – excessivement… limpide à votre sujet. Mais, toutefois, permettez-moi de vous demander…
   MADAME SPIELBERGSON : … Quoi donc ?
   SCHWARZSPIEGELSATZ : Votre chapeau… c'est stégosaure, iroquois ou ragondin ?
   MADAME SPIELBERGSON : « Gabio Corintina », docteur !
   SCHWARZSPIEGELSATZ : Ah ! oui, oui… Enfin, quand même, ça fait assez crête jurassique, ce... « Gabio Corintina »… Ça vous fait une « crête-assez-jurassique ». (Il ricane dans sa barbe.)
   MADAME SPIELBERGSON : Vous voulez dire que « Gabio Corintina » ça jure assez avec votre cirque ? (Elle ricane en écho.)
   SCHWARZSPIEGELSATZ : « Juracirque », c’est cela même, chère madame : « juracirque » ! (Rire forcé.) Nous plaisantions !
   MADAME SPIELBERGSON : Je devine en tout cas que le sujet vous tient à cœur, cher docteur. Et puisqu'il semble que nous ayons là quelque centre d'intérêt commun, permettez-moi de vous demander… 
   SCHWARZSPIEGELSATZ : … Quoi donc ?
   MADAME SPIELBERGSON : Peut-être auriez-vous à me faire partager une théorie originale sur la disparition de nos grands reptiles ?
   SCHWARZSPIEGELSATZ : Très chère madame, c'est là précisément une question à laquelle je m'attache depuis de longues années, et pour laquelle je n'ai de cesse de m'appliquer avec un acharnement tout particulier afin d'y apporter le moindre élément qui puisse être un tant soit peu susceptible d'être accrédité en toute viabilité, et avec la sévérité la plus étroite, de sorte à en purger le bénéfice de toute spéculation hasardeuse et sentimentale, et plus généralement encore de quelque état d'âme que ce soit qui entraverait, à l'usage, la rigueur pour tout dire tyrannique de ma réflexion.
   MADAME SPIELBERGSON : « Juracirque » or not « juracirque » ?

(Samuel MORDOGUE, Docteur picnic)

vendredi 20 avril 2018

LANGUIGNOLER

(v. i.)

Se consumer à plaisir en sentimentalité dégradante.


BRITANORAQUE
Madame, à vous oüir, je me remplis le cœur,
Et veux dés à présent vous servir ma liqueur.
Souffrez que je m'afaisse & que je languignolle
En versant de ces pleurs qui collent à l'Idole…
Mais suspendons déja, devant tant de splendeur,
Un discours dont l’yvresse excuse l’impudeur ;
Et qu’à vos pieds rampant, miserable microbe,
Je baise en gemissant le ply de vostre robe.

EUGENISSE
Qui sçait aimer ainsi sçaura toûjours haïr
Qui croit toûjours aimer en aimant sans souffrir.

BRITANORAQUE
Et pour mieux vous aimer, aimez-moy davantage
En ayant l'air toûjours d'en avoir de l'ombrage.

EUGENISSE
Languignolement ?

BRITANORAQUE
                                       Non. Moy seul suis vostre objet.
Soyez un beau miroir sans estre mon reflet ;
Pâmez-vous en secret à mes vœux sans contrainte,
Mais, de grace ! restez de glace à toute étreinte.
Renvoyez-moy ce feu d'un amour qui fait mal
En irritant mon cœur d'un éclat de métal.
Je vous aime ainsi, froide & lointaine promesse,
Luisante, inaccessible, épuisante & qui blesse.

(Jean-Rachid de CRAMPISTON, Britanoraque)

samedi 14 avril 2018

MALENCONTRAÎTREUSEMENT

Inopportunément, mais avec opportunité ; comme un cheveu à point nommé sur la soupe.


   Comme si elle l’eût fait exprès, Madeleine échappa son trousseau de clés qu’elle tenait d’un doigt passé dans l’anneau, et tandis qu’elle se baissait devant moi pour le ramasser, je plongeai si malencontraîtreusement dans l’échancrure de son corsage que je relevai bien vite les yeux vers la glace qui se trouvait juste derrière elle pour tomber malencontraîtreusement sur le reflet de son fessier largement offert à l’innocence désormais coupable de mes regards. Désorienté par le pigmastoflash ainsi réflexhibé de cette redondance anatomique accidentelle, je chancelai comme au bord d'un gouffre dont l’occurrence vertigineuse inonda mon cœur abéanti d’une imminence nauséeuse dont l’éventualité fulgurante lesta mon trouble d’une préoccupation des plus insistantes.


(Abimal BOCASTRO, La coda du botaniste)

mercredi 11 avril 2018

NAUSOLÉE

NAUSOLÉE, Charles Baudelaire, "Arabécédesque" (Olivier Goldsmith)


Édifice funéraire monumental dont l’aspect sinistre provoque le malaise.


J’élèverai pour toi, Démadone très-chère,
Froid et majestueux, un nausolée austère
Jusqu’à ce que le ciel en paraisse assombri ;
Et je viendrai, le cœur obscurément meurtri,
Soulageant ma tendresse auprès de ton image,
Déposer à tes pieds un frémissant hommage.

lundi 9 avril 2018

OSTATURE

Carrure squelettique imposante.


Fauchant en balançant son altière ostature,
Elle apaise tous ceux qu’elle vient libérer,
Et, bien qu’elle n’ait pas le goût de l’imposture,
Chacun de ses élus s’acharne à l’exécrer.

OSTATURE, Charles Baudelaire, "Arabécédesque, Olivier Goldsmith"

jeudi 5 avril 2018

PROBLAIMER

(v. i.)

Rechercher la difficulté, se complaire dans les complications.


   Un jour François croisa Gaston Poriac, parangon du zigoto pas trop clair, du zonard sournois trimbalant partout son baluchon d’obscurs instincts, individu malfaisant mais qui nonobstant fascinait.
   Poriac portait sur son T-shirt toujours sali un similicuir noir taillant grand, au col haut. Il avait un front bas au grand jour, qui fuyait la nuit, ainsi qu’un fin minois dont l’air chafouin sinon narquois lui cavait au rasoir plus d’un trait qui faisait qu’on y soupçonnait un froid salaupard plutôt chaud d’où l’on sait. Il y avait aussi dans son air un l'on sait trop quoi d'indistinct, d'inconsistant fort dissuadant, vil profil d’un cafard ambulant, d’un lascar attirant partout où il va un million d'infinis soucis pour assouvir son goût malsain du tracas absolu ; parfait sado-maso, tantôt bon, tantôt mauvais ; tour à tour malappris charmant, urbain discourtois ; maladroit rompu à l’art du « pas vu pas pris »… psychosociopathisant problaimant jusqu’à jouir jusqu’au bout du mal qu’il subit autant qu’il fait subir.
   Aussi, François dubitâtonnait-il quant à son puissant attrait qui l’accablait d’un fatal conflit. Lui, qui pourtant lisait illico « porc » dans « Poriac », n'ambitionnait pas d'ainsi jouir d’un plaisir consistant à souffrir sans nul but dans l'angoissant inconfort au point qu'on y crût mourir.
   Poriac sac à couacs ! murmura François, pas trop clair lui non plus, dirions-nous donc. Car pourquoi Gaston, qui problaimait à coup sûr, l’attirait-il autant ?
   Mais il vit Poriac qui fourbissait son chichi dolosif. Surpris, il crut sur l’instant qu’il allait lui sortir son machin. À la fin, louchant sur son zip, il lui lâcha : « Oh puis zut, alors ! Allons, fi, fi, vos vains avaros ! »
   Ainsi vouvoya-t-il l'obscur voyou puis, pivotant sur un talon, il tourna aussitôt dos à Poriac qui aussitôt l’accabla d’un cinglant brocard quant à son look par trop ringard, sans simili ni T-shirt pourri.
   Alors, furibond, il cria à François qui l'abandonnait, ou plutôt lui crachaboya :
    Tôt ou tard, tu auras ton lot jusqu’à l’os, mon mignon !
   ― Y a pas d’souci ! lui piailla François, ironisant à la cantonada ainsi qu’un sot jacquot dont il parodia la voix d'un tic vocal navrant. Puis, faux marin (du fait qu’il voguât toujours sans l’avoir jamais fait ainsi qu'un Cyrano pantouflard) un chouïa naïf tout nourri d’ambition s’illusionnant d’horizons lointains, il fuya un individu si craignos pour un futur d’autant plus approximatif qu’il l’imaginait mirobolant…

(Gaston PEAURIAC, L’exégète étété)